Une taxation coloniale au XIXè siècle ?

Pour s'en faire juge rien ne vaut de se reporter au texte. Au cas particulier, il s'agit moins d'une relation de type coloniale que le résultat  d'un réflexe protectionniste vis-à-vis d'une province annexé depuis moins d'un demi-siècle et pour laquelle on formait le projet de l'intégrer en évitant les phénomènes de transit douanier de complaisance.


1. Ordonnance royale du 5 novembre 1816.

Prise en application de la loi de finance du 28 avril 1816.

BULLETIN DES LOIS N° 125

N° 1363 — Ordonnance du Roi portant Règlement pour le service des Douanes en Corse

A Paris, le 5 Novembre 1816

 
Louis, par la grâce de Dieu, Rois de France et de Navarre ;

 
Sur ce qu’il nous a été représenté que les réglemens de douanes en Corse ne sont point en concordance avec ceux établis dans les autres départemens de notre royaume ; qu’ils tendent à isoler le commerce et l’industrie des habitans de cette île, à diviser des intérêts qu’il importe essentiellement de réunir dans l’intérêt général de la France ;

Vu l’arrêté pris, le 26 décembre 1815, par notre commissaire dans la 23è division militaire, portant rétablissement des douanes et de la taxe du sel en Corse ; un second arrêté, du 15 février 1816, imposant à cinq francs par quintal les huiles sortant de cette île pour les ports de France ; un troisième arrêté, du 21 du même mois, qui fixe à cent francs par quintal le droit d’entrée sur le tabac en poudre venant de l’étranger, et à soixante francs sur celui en feuilles ;

Considérant que les lois générales des douanes sont susceptibles, pour être appropriées aux besoins et à l’avantage du pays, de diverses modifications que nous nous réservons d’ordonner, lorsque l’utilité en sera connue ;

Voulant, quant à présent, régler et rendre plus intime, les relations commerciales de la Corse avec les autres parties de notre royaume ;

Ouï le rapport de notre ministre secrétaire d’état des finances ;

Notre Conseil d’état entendu,

 
Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :

 
Art. 1. Le commerce extérieur de la Corse est assujetti aux lois générales des douanes. Les marchandises non prohibées qui y arriveront de l’étranger, acquitteront les droits d’entrée, et celles qui y seront envoyées, ceux de sortie fixés par le tarif général de nos douanes.

Nous nous réservons de déterminer ultérieurement les bureaux auxquels sera restreinte l’introduction des espèces de marchandises désignées par les articles 20 et 22 de la loi du 28 avril 1816.

 2. Les productions ci-après dénommées du sol de la Corse, expédiées pour France avec acquits-à-caution délivrés sur certificats des magistrats des lieux attestant leur origine, sont exemptes de tous droits de sortie de l’île et d’entrée en France dans les ports de Marseille, Toulon, Cette et Agde ; savoir :

   Huile d’olive,     Citrons, 
   Miel,                    Oranges,
   Amandes,         Cire jaune,
   Châtaignes      Cuirs de bœuf et de vache, verts, secs et en poil,
   Noix,   
  
Cédrats,            Vins.

Toutes autres marchandises envoyées de Corse en France acquitteront, à leur entrée, les droits imposés sur les marchandises analogues venant de l’étranger sur navires étrangers.

 3. Toutes marchandises des fabriques de France expédiées pour la Corse seront exemptes, tant des droits de sortie du royaume, que ceux d’entrée en Corse. Si de cette île elles passent à l’étranger, elles acquitteront les droits ordinaires du tarif de sortie.

 4. Le droit de cinq centimes par kilogramme de sel est porté à sept centimes et demi ; celui de cent francs par quintal décimal de tabac en poudre, et de soixante francs par quintal décimal de tabac en feuilles venant de l’étranger, est provisoirement maintenu.

 5. Un service régulier de douanes sera organisé en Corse. Il y sera établi, à cet effet, un directeur et deux inspecteurs.

 6. Si les intérêts ou les besoins des habitans de l’île réclament quelques modifications aux présentes dispositions, et notamment quelques exceptions dans les prohibition établies par le tarif général des douanes, il y sera statué sur les représentations des autorités locales à notre préfet, lequel en référera à notre ministre des finances, pour nous proposer les changemens convenables.

 7. Notre ministre secrétaire d’état des finances est chargé de l’exécution de la présente ordonnance.

 Donné à Paris, en notre château des Tuileries, le 5 Novembre de l’an de grâce 1816, et de notre règne le vingt-deuxième.

 Signé LOUIS

Par le Roi :

Le Ministre Secrétaire d’état des finances,

Signé le Comte Corvetto

2. Loi du 21 avril 1818

Reprend les dispositions de l’ordonnance du 8 octobre 1817 (non publiée)

(extrait)


3. Le tarif des douanes subira, quant à la Corse, les modifications suivantes.

4. Les objets de consommation ci-après, importés dans l’île par quelque bureau que ce soit, ne paieront que…savoir :

Bœufs et taureaux..par tête                                1f 00c

Vaches, génisses et bouvillons par tête          0. 50.

Chèvres, veaux et porcs…par tête                     0. 15.

Pâtes d’Italie……………..par 100 kil.              10. 00.

Légumes secs…… …… par 100 kil.                0. 10.

Riz………………………..par 100 kil.                   1. 00.

 

Poissons   de pèche étrangère par 100 kil  15. 00.

                    Marinés, &c. par 100 kil.                     50. 00. 

Fromages de Sardaigne par 100 kil.            5. 00.

                    autre……..par 100 kil                10. 00.

Minérais de fer…………...par 100 kil.                   0. 05.

Tissus de fleuret, sans exception    par kil          1. 00.

 5. Les réductions suivantes seront subordonnées à l’importation par les bureaux de Bonifacio, Ajaccio, Ile Rousse, Bastia ou Calvi ; savoir :

 Viandes de porc salées……………..10f 00c par 100 kil.

Moitié des droits portant

Tissus de lin et de chanvre  tarif, pour tous les articles compris dans ce titre

 Moitié des droits portant

Sucre et autres denrées coloniales de consommation…tarif, pour tous les  articles compris sous ces deux dénominations

Tabac  en feuilles…………………….60f 00c par 100 kil.
                Fabriqué…… ……………  100f 00 par 100 kil. ;

 6. Pour toutes les autres marchandises taxées au poids, quel que soit le point d’importation, on réduira à moitié la portion du droit qui excède cinq fr. par cent kilogrammes.

 7. La surtaxe de navigation sera proportionnellement réduite pour les droits ainsi modifiés.

 8. Dans l’application des règles ci-dessus, on ramènera les centimes à des nombres décimaux soit en abandonnant ceux qui n’excèdent pas 5, soit en forçant les autres.

 9. Le tarif général sera quant à la sortie appliqué en Corse, sauf les exceptions ci-après :

Bois….
           à brûler. bûches.par stère .    .                 0f 10c
                           fagots par 100 cn n                    0. 40.

           de construction.brut  par stère .              .0. 50.

                              scié  de plus de 8 cm
                      d’épaisseur
par stère              0. 25.

                                           de 8 ou moins
                               par 100 mèt. de long              2. 50.

Châtaignes (sauf les prohibitions temporaires par 100 kil         0. 25.

Feuilles de myrte…..…........................................... par 100 kil …    0. 50.

 10. Les productions de la Corse seront admises en France aux conditions ci-après ; savoir :

1°) Toutes les productions du sol de la Corse, autres que les huiles, expédiées de l’île pour France avec acquits-à-caution délivrés sur certificats des magistrats des lieux attestant leur origine, sont exemptes de tous droits de sortie de l’île et d’entrée en France dans les ports de Toulon, Marseille, Cette et Agde.

2°) Les huiles de la Corse seront reçues, dans les ports de la Méditerranée, en exemption des droits de quinze ou vingt-cinq francs, lorsqu’elles auront acquitté, à la sortie de l’île, le droit de cinq francs par cent kilogrammes.

3°) Toutes les autres marchandises ou denrées envoyées de Corse en France acquitteront, à leur entrée, les droits du tarif général comme venant de l’étranger.

 11. Les produits des fabriques de France pourront arriver en Corse en exemption de tous droits, sauf à payer ensuite les droits de sortie du tarif général, s’ils passent définitivement à l’étranger.

 12. La taxe du sel continuera à être perçue en Corse, à raison de sept centimes et demi par kilogramme.

3. Loi du 27 juillet 1822

[ ... ] 4. Le droit de cinq francs par cent kilogrammes, établi par l’article 10 de la loi du 21 avril 1818 sur les huiles de la Corse qu’on expédie pour France, est supprimé. Ces huiles seront reçues en franchise, moyennant les formalités voulues par ladite loi. [ ... ]