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Allons
plus loin déshabillons le paon pour découvrir le
poulet qui est
dessous. La Corse fut-elle le phare des Lumières ? Y-a-t-il
eu une
Corse vraiment indépendante et que voulaient les Corses sous
Paoli ?
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Paoli,
quel père pour quelle patrie ?
C’est une constante dans le
discours nationaliste de prendre pour leit-motiv un aller et retour
incessant
entre l’interprétation purement nationaliste de ce
que les contemporains de
Paoli appelaient "la Révolution de Corse" et
l’interprétation plus
spécifiquement révolutionnaire et plus ou moins
marxisante. Et pourtant, nous
en avons déjà eu un aperçu, la simple
lecture des événements montre que loin
d’être un soulèvement d’une
population contre les maîtres génois et plus tard
français, ce fut surtout une affaire de clans corses. Mais
pour tout bon
nationaliste, il importe de protéger la vierge noire de la
future lutte de
libération nationale (LLN pour les intimes), aussi va-t-on
retenir le terme de
lutte pour en inférer qu’il s’agit
d’une lutte de classe, opposant tout d’abord
un peuple pur et déterminé à une
oligarchie dont une partie se ralliera et qui
soutient Paoli comme la corde soutient le pendu. Mais ne nous y
trompons pas,
il ne s’agit nullement d’une lutte de classe entre
un prolétariat corse et une
oligarchie génoise, encore moins une lutte nationale
purement anti-coloniale
mais bien une lutte au sein même de la
société corse, où la question
génoise
reste longtemps un simple enjeu tactique, et c’est en grande
partie
l’obstination génoise à ne pas voir les
réformes nécessaires, et notamment
celle consistant à faire accéder les
élites corses au partage du pouvoir,
qui finira par faire du rejet de Gênes
l’élément
fédérateur qu’il
n’était pas
au début.
La
principale
caractéristique de
la Révolution de Corse est la nature de la classe qui en a
pris la direction,
pas vraiment une bourgeoisie urbaine et commerçante comme on
le verra sous la
Révolution Française mais plutôt une
classe composée de notables ruraux profondément
terriens, un peu comme si ceux qui avaient envoyé les
cahiers de doléances en 1789
avaient gardé le pouvoir, Mirabeau l’emportant sur
Danton. Les nationalistes
les plus avertis de l’histoire corse sentent bien le manque
de sincérité de
cette pseudo-lutte de libération nationale. Ils
l’expliquent par le fait que
celle-ci fut confisquée par cette classe
possédante avec la complicité du Roi
de France, évidemment, puisqu’il faut bien y voir la main de l’Etranger.
Parmi
cette classe dominante au
sein de la société corse, peu avait le projet
politique de l’indépendance, ou
au moins de l’autonomie. Bien sûr,
d’aucuns parmi nos corsistes ne manqueront
pas de porter des jugements de valeur sur le manque de
maturité politique chez
les notables. Mais cette impuissance à s'identifier
à une nation ne
signifie-t-elle pas tout simplement que le concept lui-même
appliqué à la Corse
manque de crédibilité en raison du faible
avancement de l'économie, mais plus
sûrement en raison d’une image identitaire floue
pour les Corses eux-mêmes.
D’ailleurs, parler de Corses, à cette
époque, est un abus de langage, les
Limousins, les Berrichons se sentaient-ils Français
à la même époque ? De
la même façon, en Corse, on était
d’un village ou d’une piève, et tout
à la
fois, d’un clan plutôt que d’un autre.
Les solidarités pouvaient par le moyen
de l’appartenance clanique sauter les vallées mais
en aucun cas construire une
identité insulaire. Enfin, l’Italie
n’était nullement perçue comme
étrangère,
et Gênes était moins une nation occupante
qu’une compagnie
exploiteuse.
Pour
bien saisir le flot
d’ambiguïtés que la reconstruction de
cette histoire draine dans tous les
esprits, corses ou non, corsistes ou non, il nous faut gratter le
terrain et
explorer les forces en présence, les enjeux, les racines du
mythe. Nous avons
déjà vu ce qu’il en était de
la Révolution corse et de l’innovation
institutionnelle jusqu’en 1755,
ainsi
que du contenu réel de la notion
d’indépendance. Il reste à explorer la
période
fétiche, à compter du retour de Paoli, et plus
particulièrement la montée du
lait de l’indépendance de 1761 à 1769,
ce bref battement de cil de l’Histoire,
mais aussi ce qui se passera ensuite, jusqu’à
l’exil définitif de Paoli en
Angleterre. Cette analyse se focalisera sur le rôle central
d’un Paoli magnifique
mais plus ambigu qu’on ne le croit, sur ce qu’il
disait vraiment, sur ses
projets, sur sa sincérité politique, puisque
Babbu di a Patria, il y a.
Les
idées de Paoli
C’est un
événement fortuit qui
amena Paoli à revenir en Corse. Jusqu’à
l ‘assassinat de Gaffori en
octobre 1753 et aux contrecoups de cet événement
sur la situation de l’île
tout au long de l’année 1754, il était
surtout fils de Hyacinthe et fortement
engagé dans une carrière militaire, à
Naples, où il devint officier dans le
Régiment Corsica à la sortie de
l’Académie Royale Militaire d’artillerie
à la
fin de l’année 1749. Il envisagea même,
un temps, entrer au service de la
France en sollicitant une recommandation auprès du
maréchal de Cursay. Sa
carrière se poursuit de poste en poste, au sein du Real
Farnese. Sans doute, ne
se désintéresse-t-il pas totalement des affaires
corses, son dernier poste à
Porto Longone (île d’Elbe) le rapproche,
il a des échanges épistolaires avec son
père où son envie de revenir contraste avec
la résignation de Hyacinthe Paoli. Il semble se documenter
sur
l’administration, l’art du gouvernement,
l’économie politique, les réflexions
historiques et institutionnelles d’un Montesquieu. Bref, une
année après
l’assassinat de Gaffori, Paoli pense que le temps est venu,
compte tenu du vide
politique qui se présente devant lui. Ce faisant il
prépare son débarquement
dès septembre 1754, en faisant savoir que sa venue dans
l’île répondrait à un
vœu de ses compatriotes, qui lui envoient des lettres le
pressant de prendre la
succession de son père.
Paoli
ne débarque pas les
mains
vides, ce 29 avril 1755, près de Poretta, à
l’embouchure du Golo ; il a
dans sa musette un projet de constitution provisoire qui
n’apporte d’ailleurs
pas grand’chose de plus, mais a pour but essentiel de mettre
son texte et donc
lui-même au centre des discussions de la consulte de Caccia
qui se tient
quelques jours avant son arrivée. Cependant cette
première consulte
d’inspiration paoliste est très
disputée, le clan Matra faisant barrage. Paoli
n’a pu débarquer en général
de la Nation, il lui faudra attendre la consulte de
Casabianca, quelques mois plus tard, en juillet, où il sera
élu avec une marge
très faible. Notons que ces consultes ne
représentent véritablement que
l’en-deçà des monts.
Néanmoins, voici notre héros muni des pleins
pouvoirs
militaires et civils, mais non pas constitutionnels comme on le croit
souvent,
tandis que sa marge de manœuvre diplomatique est
limitée, d’autant que son
élection n’a été rendue
possible qu’avec l’appui d’un autre clan
représenté par
Ignace Venturini, avec lequel il partage le pouvoir exécutif.
A ce
stade, peut-on dire que Paoli
est un homme neuf ? Il est parti en exil à
l’âge de quatorze ans avec son
père, et il n’est connu que de nom. On ne peut
qu’être étonné de ce retour
soudain et victorieux, malgré de fortes oppositions et
l’absence quasi totale
de légitimité dans l’au-delà
des monts. Ou pour dire les choses brutalement,
comment un aventurier a-t-il pu être porté
à la tête de la révolte en quelques
mois ? Le précédent de
Théodore peut nous éclairer dans la mesure
où l’on
tient pour certain et constant que les Corses sont prêts
à suivre n’importe
quelle figure pourvu qu’elle apporte
considération, argent ou troupes. Mais
Paoli ne semblait traîner avec lui que la
réputation de son père. L’explication
peut être trouvée dans deux directions. Tout
d’abord, les clans qui cherchaient
un protectorat qui les détachât
définitivement de Gênes, pour cette raison, se
sont opposés à Matra, qui, lui, recherchait un
accord avec la République. Ils
leur fallait trouver un porte-drapeau qui parle au cœur des
Corses, et qui ait
été, précisément,
éloigné un temps des querelles et des
inimitiés.
L’autre
explication est plus
aventureuse, mais elle ne doit pas être
écartée sans examen. On sait
déjà que
Paoli fut reçu dans la loge de rite écossais dite
des Neuf Muses, le
15 juin 1778. Cette loge est liée à la dynastie
des Stuart et il a rejoint la
loge du Prince de Galles, deux ans plus tard. Certains auteurs se sont
interrogés sur une initiation maçonnique plus
précoce pendant son séjour
napolitain, initiation qui aurait pu lui permettre de disposer de
documentations, d’appuis divers et, tout bonnement,
d’un réseau d’affiliés
corses de même obédience.
Plus attestée, l’influence de
Machiavel a inspiré les idées de Paoli,
au moins dans la démarche qu’il convient
d’avoir lorsqu’il s’agit de faire
accoucher une Nation, là où n’existent,
et depuis toujours, que des intérêts
particuliers. En 1755, Paoli a mis en pratique les préceptes
de Machiavel pour
faire céder les pouvoirs et les solidarités
locales et y implanter un véritable
courant paoliste. L’articulation de mesures de lutte contre
les vendette par
une justice impitoyable avec des mesures de reconnaissance des
mérites, de
récompenses pour s’attacher des
fidélités concourt à installer petit
à petit
une dimension nationale. Néanmoins, les
résistances furent si nombreuses que ce
projet d’un homme qui allait contre les pratiques et les
solidarités séculaires
fut perçu comme le projet d’une ambition
personnelle.
Les clans
pour ou contre le projet
paoliste
La consulte de Corte de novembre
est communément assimilée à la toute
première constituante moderne malgré
l’existence de précédents dans la
séparation des pouvoirs, comme en Suède ou en
Angleterre. Le système constitutionnel qui fut
adopté consacre le peuple corse
comme souverain exerçant son autorité par le
moyen d’organes d’Etat,
indépendants et équilibrés
jusqu’à un certain point. En effet, deux aspects
montrent le caractère inachevé de
l’œuvre : la non séparation du
pouvoir
exécutif et du pouvoir judiciaire, le caractère
mixte de l’assemblée (la Diète)
comprenant à la fois des représentants
élus et des représentants invités…
par Paoli.
Le
caractère
démocratique de la
Diète a vite connu des limites dues à
l’exercice d’un pouvoir personnel de
Paoli, qui s’explique par le jeu complexe des
solidarités et des inimitiés
claniques. Paoli a, ainsi, accordé une
représentation privilégiée
à certains
affidés non élus, et, un peu plus tard, au
clergé qui lui était en
général
favorable. La pression de Paoli s’accentua les
années passant, obtenant au
passage un droit de veto suspensif (mais non définitif,
contrairement à ce
qu’il avait demandé) à
l’encontre des lois votées par la
Diète. Ne nous
trompons pas, la Diète était essentiellement
composées de notables, les
« principali », tandis que
l’électorat lui-même était
dans sa
quasi-totalité composé des personnes les plus
considérables de l’île. Ce
n’est
donc pas une assemblée démocratique dans le sens
moderne du terme, une
assemblée représentant le peuple tout entier.
Cependant, c’est tout de même une
assemblée où pouvait s’exprimer les
alliés comme les adversaires les plus
résolus de Paoli ; en outre, la capacité
de manœuvre militaire et
administrative de l’exécutif devait pouvoir
être préservée et renforcée
tout
simplement parce que le gouvernement ne contrôlait pas toute
l’île, loin de là.
On l’a vu, les Présides demeuraient à
Gênes, l’au-delà des Monts
n’était pas
acquis à la Révolution de Corse et plusieurs
pièves du Deçà non plus.
Dès
l’installation de Paoli, la
guerre des clans s’engage avec une attribution dissidente du
généralat à Marie
Emmanuel Matra à Alisgiani où le clan Santucci a
rallié à Matra d’autres
familles au motif des actions anti-vendetta de la commission ambulante
de
pacification, la Marcie,
mise sur
pied par Paoli en août 1755 et qui a prononcé des
condamnations à mort
immédiatement exécutées en vertu de la
confusion des pouvoirs judiciaire et
exécutif. Commence alors durant tout
l’été une véritable guerre
des montagnes
entre les paolistes et les matristes qui ne prend provisoirement fin
qu’avec le
départ de Matra, lâché par les
Génois. En cette fin d’année 1755,
Paoli qui ne
contrôle vraiment que le Rustinu, une partie de la
Castagniccia et Corte, se
heurte aux places fortes génoises et au commissaire
génois Grimaldi qui le bat
en décembre, tandis que les régions
hésitantes du Cap Corse ne basculent pas de
son côté. Pour étendre et conforter le
pouvoir de son gouvernement de fait,
Paoli envoie des émissaires à Naples pour
solliciter des secours auprès de
l’ambassadeur d’Angleterre, ainsi
qu’auprès du Pape en demandant qu’un
visiteur
apostolique soit désigné pour contrebalancer
l’hostilité déclarée des
trois évêques
du Deçà à la convocation de la
consulte des ecclésiastiques au couvent de
Casinca. Malheureusement Rome donne raison aux
évêques dans leur interdiction
de participer à l’assemblée
ecclésiastique dont une grande partie est en faveur
des menées paolistes. A ce moment, il devient
nécessaire pour le mouvement
insurrectionnel de ne pas se laisser étouffer dans la rive
droite du Golo,
aussi Paoli décide-t-il, en mars 1756, de se rendre dans
l’au-delà des monts où
tout reste à faire, les pièves y étant
neutres ou pro-génoises, d’autant que le
commissaire génois du Delà a pris les devants en
demandant aux communautés de
rester fidèles et de ne pas recevoir Paoli, sauf
à être considérées comme
rebelles. La tournée de Paoli est un succès
partiel, deux pièves refusant son
autorité, la Rocca et l’Istria, sans compter la
Préside d’Ajaccio où réside
le
commissaire génois.
Pendant
ses premières
années d’action
politique, Paoli va heurter les intérêts et les
ambitions et plus encore les
haines de famille. La rivalité entre les personnes et entre
les clans bat son
plein et cette caractéristique de la vie politique corse ne
disparaîtra jamais
totalement ; elle explique une grande partie des
événements politiques
jusqu’à l’annexion et
au-delà, pendant la période
révolutionnaire.
Avec
le retour de Matra en janvier
1757, le conflit matriste reprend et Paoli lui-même se trouve
en difficulté
dans le Bozio ; Dans l’attaque du couvent
où il s’était
réfugié, Matra
trouve la mort mais son cousin germain poursuit la lutte et
soulève les pièves
qui entourent Corte vers laquelle il se dirige désormais,
avant d’être arrêté
à
Pedicorti et de se réfugier à Gênes. Le
péril matriste étant
écarté, Paoli ne
peut pourtant pas étendre son autorité sans
accepter de partager le pouvoir en
direction du Delà, qui cherche une autonomie dans le
gouvernement national. En Septembre,
le parti français du Delà
tient deux consultes, une au
couvent d’Olmeto,
pour l’Ornano,
l’Istria,
le Talavo
et La Rocca,
l’autre, en Octobre,
au couvent de Mezzana,
pour la Cinarca
et Vico,
où il est question de la souveraineté des
provinces du Sud. A ces deux
occasions, les Génois
et les Nationaux (paolistes) sont renvoyés dos à
dos. Ainsi Antoine Colonna se
fait élire général par la consulte du
couvent d’Olmetto en septembre 1757, par
des pièves du Delà, dont certaines avaient
clairement refusé à Paoli
l’entrée
de leur territoire l’année d’avant, et
dont une grande partie continuera de
refuser son autorité lorsqu’à la
demande de Colonna, Paoli effectue une
nouvelle tournée dans le Delà,
déjà très travaillé par le
parti pro-Français.
Sont
en place plusieurs
groupements d’intérêts, en contradiction
plus ou moins marquée avec les
orientations des Nationaux. En opposition claire et résolue,
les évêques et les
partis matristes et génois du delà des monts
formeront une partie de l’appui du
parti français, une fois l’annexion acquise. En
relation avec les paolistes, le
Delà « autonomiste »
de Colonna est fortement lié au parti français
mais aussi au parti maltais qui garde encore quelques soutiens.
Côté clergé,
Paoli va mener une lutte ferme contre les évêques
et obtient l’envoi d’un
visiteur apostolique à qui il remet les revenus
ecclésiastiques des pièves
curales
qu’il contrôle. Le parti matriste va se maintenir
et mener une guerre
d’escarmouches continuelles contre les Nationaux
jusqu’en 1763, date de
l’embarquement pour l’exil de François
Matra. Avec l’annexion par la France,
les clans pro-génois fusionnent avec le parti
Français qui attire à lui la
plupart des grandes familles corses, qui obtiennent reconnaissances,
titres et
positions de la part du Roi. Le rapport de force devient trop
défavorable et
Paoli doit s’exiler une nouvelle fois, la plupart des Corses
ayant accepté bon
gré mal gré la souveraineté
française. Avec la Révolution
Française, le schéma
des alliances change. Tout d’abord Paoli, apprenant le vote
de la Constituante
annexant définitivement la Corse (et donc mettant fin aux
rumeurs d’un retour
de l’île à Gênes), reprend
l’idée du protectorat qu’il avait
esquissée quelques
années auparavant, et envisage dès lors son
retour dans le flot du retour des
exilés, retour autorisé par la Constituante.
Cependant l’idylle avec le pouvoir
révolutionnaire va tourner court, en raison d’un
désaccord profond sur le degré
d’autonomie de la Corse, refusé par la Convention
fidèle à sa conception
jacobine de l’Etat, et Paoli finit par se trouver
qualifié de traître à la
république par un décret en date du 17 juillet
1793. A cette date, les
paolistes tiennent la montagne mais le littoral est acquis à
la république
française. L’emprise géographique des
pièves contrôlées par Paoli ressemble
à
celui prévalant au début de la révolte
corse contre la République de Gênes. Une
dernière carte va être jouée, celle de
l’Angleterre, mais l’aventure durera un
peu plus de deux ans, de juin 1794 à novembre 1796, tandis
que Paoli lui-même
est écarté par les Anglais et, dès
octobre 1795 doit partir pour Londres. La
période du royaume anglo-corse fut elle aussi
marquée par des luttes de clans,
d’une part Paoli qui exploite certains troubles anti-fiscaux
(décidément !) pour essayer de revenir
au pouvoir, d’autre part certains
anciens paolistes
ou du
parti Français qui refusent la mainmise anglaise sur
l’île. Cette instabilité
chronique va contribuer à permettre l’infiltration
de Corses venant de l’armée
d’Italie ou de France, et préparer la reprise de
l’île sous l’impulsion de
Bonaparte.
Les vrais
enjeux ou les
intérêts bien compris
Au-delà des conflits de
personnes,
les révoltes de Corse ont mis en exergue les lignes de
fracture qui ont, de
tout temps, traversé la société
insulaire. Lorsque des individus ou des groupes
ont semblé changer d’étiquette,
s’ils ont pu paraître traître au projet
premier
qui les animait, ils sont, en réalité,
restés souvent fidèles aux
intérêts du
groupe ; c’est pourquoi on a pu voir des
pro-génois et des nationaux se
retrouver côte à côte dans le ralliement
au pouvoir français, d’autres parmi
les nationaux se séparer en optant pour la
République, pour la
contre-révolution ou pour le protectorat anglais.
Dans
une première approche,
il est
tentant d’opposer le Deçà et le
Delà, d’autant qu’on a pu constater la
permanence des manifestations d’autonomie du Delà
par rapport au Deçà pendant
cette fameuse « guerre de quarante
ans », positionnement politique
qui recouvre l’ancienne opposition entre la terre des
seigneurs et la terre des
communs depuis la révolte de Sambucucciu d’Alendu.
Si l’on s’en tient là, le trait reste
par trop grossier. En effet, dans le
Deçà, il faut tenir compte du Cap Corse
hésitant, d’une Balagne partagée avec
Calvi pro-génoise, en bref d’une rive gauche du
Golo pas nécessairement acquise
à la cause nationale face à une rive droite plus
déterminée ; enfin, dans
le Delà, les pièves développent une
politique fortement centrée sur leurs
intérêts immédiats, l’accueil
réservé à Paoli restant
très contrasté sans
compter les présides génoises. Pour terminer, si
les analyses qui peuvent être
développées selon un critère
historique et/ou géographique ont leur
intérêt, les
lignes de forces touchent surtout les structures sociales, les groupes
familiaux ou les clans. Les familles qui dominent certaines
pièves ont un rôle
déterminant et, qui plus est, n’est pas
nouveau ; toute l’histoire de la
Corse est traversée depuis les temps les plus
reculés par des guerres
intestines privées où l’aide militaire
de l’autorité
« extérieure »
est sollicitée que ce soit Pise en son temps, la
Papauté, Gênes ou ses
sociétés
d’affermage comme la Maona au XIVè
siècle ou l’office de Saint Georges en 1453.
A
l’époque qui
nous intéresse,
celle de l’action de Paoli, la famille Matra au Nord et la
famille Colonna au
Sud développent des stratégies qui leur sont
propres. Le cas du clan Matra
illustre bien la confusion entre intérêts
particuliers et engagement politique
qui relève parfois de l’affichage grandiloquent.
Cette famille des anciens
caporaux de Moïta
s’était
illustrée dans toutes les querelles de seigneurs et avait
joué un jeu
systématique de balancier entre les
intérêts du roi d’Aragon, ceux de
Gênes,
voire même de l’Eglise, après la guerre
de Cinarca, au milieu du XVè
siècle. On
retrouve cette famille
réconciliée avec Gênes dans les deux
siècles qui suivent, ce qui leur permet de
s’installer à Aleria. Enfin, la trajectoire
ascendante du clan trouve sa
consécration au XVIIIè siècle, avec
l’anoblissement et une augmentation
sensible du patrimoine foncier, à la faveur des
évolutions du droit génois. A
la veille de la révolte corse, son emprise est
considérable, soit directement
dans les pièves du centre-est au niveau d’Aleria,
soit par les alliances qu’ils
ont su nouer vers le Nord (Bastia, le Nebbio, le Cap) ou vers le centre
(Corte,
Bozio).
Marie
Emmanuel de Matra,
« général de la nation
corse » profite des événements
pour avancer
ses ambitions au sein du pouvoir exécutif qui se construit
autour du roi
Théodore et finalement pour asseoir la
prééminence de sa famille dans la rive
gauche du Golo, une fois l’épisode
Théodore oublié. L’extension de son
influence est impressionnante et les pièves de Serra,
de Verde,
d’Alisgiani, de Rogna,
de Castellu, du Fiumorbu, de Casinca,
de Corti,
et du Nebbiu, sont favorables à sa
candidature comme chef de la nation corse en avril 1754, ses partisans
allant
jusqu’à convoquer une Cunsulte
dissidente qui échouera. Dès lors, la
haine anti-paoliste sera inextinguible et passera dans le clan matriste
tout
entier, le poussant à nouveau dans les bras
génois. La rupture du clan matriste
d’avec les nationaux sera d’ailleurs rendue plus
manifeste encore par les déclarations
du frère de Marie-Emmanuel, François, qui
dès 1762, est armé par les Génois et
débarque à Bastia en se présentant
comme le libérateur des Corses contre la
tyrannie… des Nationaux. Il serait tout aussi instructif
d’examiner les jeux de
pouvoirs et les ambitions foncières des chefs nationali
de premier plan,
les Gaffori, Venturini, Rivarola. Plus que le Delà, le
Deçà est une terre
d’intérêts fortement
imbriqués et opposés où les
autorités génoises puis
françaises auront beau jeu de se trouver des
alliés parmi leurs ennemis de la
veille. Il y a là un très joli terrain de
recherche pour peu que l’on soit prêt
à mettre de côté le mythe de la guerre
de libération.
Je ne résiste pas
à la tentation
d’évoquer les luttes de clans dans le
Delà, en l’espèce les aventures de la
famille Colonna et ses alliés dont l’engagement
pro-français a surtout pour but
de garantir l’autonomie du Delà, souci
qu’ils avaient déjà montré
vis-à-vis de
Paoli. Cette famille avait réparti ses alliances et si
Bianca Colonna œuvrait pour
le royaume de France depuis longtemps, son frère, Antoine,
avait développé des
relations avec l’Ordre de Malte tout en ménageant
les alliances françaises. En
septembre 1757, on l’a vu, il se fait élire
Général lors d’une consulte
réduite
aux pièves qu’il peut contrôler. Le mois
suivant, il réussit à élargir son
audience lors d’une seconde consulte mais il a
l’habileté de ne pas se poser en
adversaire de Paoli mais plutôt en relais obligé
pour le sud de l’île. C’est
dans cet esprit qu’il accompagne Paoli dans presque toutes
les pièves sous son
contrôle, sauf la Rocca, définitivement hostile
à Paoli. Cette manœuvre lui
rallie les paolistes comme les anti-paolistes du Delà en
août 1758 à la seconde
consulte de Mezzana, aux portes de la Préside
d’Ajaccio, tenue par les Génois.
Cependant ses contacts avec les Français demeurent intenses
pour afficher son
basculement définitif en faveur du parti de la France en
septembre 1761, ce qui
lui fait perdre le pouvoir, face à une coalition pour le
moins bizarre et pas
très naziunalistiquement correcte qui
regroupe les paolistes et… les
partisans de la République de Gênes !
Fermez le ban ! Bien sûr, il
s’agit d’une famille qui s’agite dans le
Delà, mais qu’on ne s’y arrête
pas : le Delà des Monts, terre des seigneurs et de
la propriété foncière,
a toujours eu un comportement très différent du
Deçà, tout au long de
l’histoire corse, en sachant se contenter d’un
rôle de seigneurie des marches
que ce soit au profit de la république de Gênes,
de la France, de Malte ou du Grand
Turc !
Pour
en terminer avec ce bref portrait
des intérêts en jeu
et des composantes de la société corse, il nous
faut souligner le poids
spécifique de la question ecclésiastique. Les
évêques presque toujours non
corses sont traditionnellement fidèles à
Gênes et l’épisode des
évêques
corses en 1741 ne change pas vraiment la donne, trois d’entre
eux étant
totalement inféodés ; en cela, ils se
distinguent d’un clergé insulaire
rétif et proche de ses ouailles et de leurs humeurs. En plus
des évêques (il y
a cinq diocèses dans l’île, à
cette époque), Gênes nomme aussi les Provinciaux
des Ordres, les Vicaires Généraux et les
Supérieurs Réguliers. L’une des
premières conséquences de la révolte
fut de réactiver le souvenir des droits du
Saint-Siège
sans
succès. Le clergé corse participe volontiers aux
Consultes ecclésiastiques de
la Nation et va jusqu’à déclarer juste
et licite la lutte contre les Génois ;
il a aussi participé aux opérations militaires
comme le curé de Zevaco pendant
la royauté de Théodore. Plus tard, Paoli, en
demandant l’arbitrage de la
papauté sur la nomination du vicaire apostolique
d’Aleria ,
va réitérer la manœuvre d’une
souveraineté nominale du
Saint-Siège, ce
qui vaudrait reconnaissance de fait d’une
république corse, alors même qu’aucun
pays européen ne s’y décide
malgré les protestations de sympathies entendues
ici ou là. Si l’aventure tourna court, ce
n’est pas faute d’un engagement
résolu du clergé corse en faveur de
l’indépendance (et sans doute était-il
plus indépendantiste que beaucoup
de Nationaux) mais plus simplement d’une
insuffisante détermination du Saint-Siège alors
même que la froide
détermination de Choiseul montait en puissance.
Ceux
du
parti français
Ils regroupent les Corses qui,
très tôt, parfois dès le
début, n’ont jamais
considéré comme probable ni même
souhaitable une indépendance réelle de la Corse.
D’une certaine manière ce qui
distingue ce camp des paolistes est tout simplement d’avoir
affirmé avec force
deux choses : il faut un protectorat fort, et il faut que le
rattachement
se fasse auprès du royaume le plus puissant sur le
Continent. Là où Paoli
naviguera de façon incessante entre
l’idée d’indépendance et
l’idée de
vassalité lointaine, au bénéfice de la
France comme à celui de l’Angleterre, le
camp pro-français a choisi. Plusieurs figures joueront un
rôle important par la
suite, mais laissons de côté les Bonaparte et
autres Saliceti. Attachons-nous
plutôt à deux personnages plus en retrait mais
tout aussi importants au moment
de la formation du parti pro-français ou au moment de
l’annexion. Rafaelle de
Casabianca, tout d’abord, qui finira Pair de France, est le
représentant du
parti pro-Français dans le Deçà,
où dès avant Ponte Novo il lance des
réseaux
d’influence. Il commence comme capitaine au
Régiment Buttafuoco en 1770. Il
mène une répression sans mesure dans le
Fium’Orbo en 1774, mais cela ne
l’empêche nullement d’être
désigné par les communautés du
Deçà pour solliciter
le retour de Paoli, qu’il accompagne en avril à
Paris. Après un rôle peu
glorieux lors de l’affaire de
l’expédition de Sardaigne ,
où il remplace Paoli, il est arrêté par
les partisans de ce dernier puis relevé
de ses fonctions par les Français pour calmer le jeu. Il
résiste aux Anglais et
aux paolistes devant Calvi, avant de se rendre et de continuer sa
carrière
auprès de Bonaparte, dans l’armée
d’Italie. C’est en tant que préfet du
Liamone, à Ajaccio qu’il transmet un rapport
dénonçant les agissements du
Général Morand, ce qui contribue à la
révocation de ce dernier. En bref, voilà
un personnage qui a pris définitivement fait et cause pour
la France mais qui
sait aussi dénoncer les agissements qui vont trop loin
même si lui-même avait
pu se montrer sans concession avec ses compatriotes.
Le
personnage de Mathieu de
Buttafuoco est encore plus étonnant et plus ambigu
puisqu’il sera transfuge
d’un camp vers l’autre. Après un
début de carrière dans le Royal Corse, en
1755, il est à la tête du parti
pro-français, dans la Delà, mais à ce
moment il
n’a pas encore opté pour le rattachement.
S’il ne s’engage pas militairement au
côté de Paoli, en 1764, il contacte cependant
Jean-Jacques Rousseau, afin
d’obtenir un plan institutionnel pour la Corse.
Après quelques échanges dont la
réalité sera mise en doute et provoquera les
railleries de Voltaire à l’endroit
de Jean-Jacques Rousseau, le projet tourne court, le texte
étant aux antipodes
de celui de Paoli. Sa promotion comme colonel commandant le Royal corse
le pose
en intermédiaire entre Choiseul et Paoli. Dans ce
rôle il défend encore une
position indépendantiste. Devant les positions raides de
Choiseul, Paoli le
relève de sa mission. En mai 1768, après
qu’il eut informé Paoli de la
signature du Traité de Versailles, ce dernier le
soupçonne de traîtrise. Et le
soupçon fit le traître. Dès lors tout
s’enchaîne très vite ; en
septembre,
il ouvre la Casinca aux Français, puis il demande des
secours financiers à
Choiseul pour défendre le parti Français contre
les paolistes, secours qui lui
seront accordés. En 1769, le Régiment Royal Corse
qu’il commande devient sa
propriété. Il est nommé
général de brigade puis maréchal de
camp et créé comte
en 1781. Il est élu député de la
Noblesse pour aller
siéger aux Etats
Généraux de Versailles.
Il
essaie d’organiser la contre-révolution en Corse.
A compter d’octobre 1790,
date de sa dénonciation de Paoli à la
Constituante comme agent de l’Angleterre
et saboteur, il développe un anti-paolisme virulent.
Accusé de royalisme, il
finit par émigrer, et après un bref ralliement au
paolisme pendant l’épisode
anglo-corse par nécessité, il revient
d’exil en 1800 pour mourir en 1806 à
Bastia, sans avoir plus marqué son passage sur terre. Dans
cette trajectoire,
comment ne pas y voir non pas un attachement à la France
(bien hors de propos à
cette époque) mais plutôt un attachement
à sa classe sociale. Pendant des
paolistes de rencontre, il est un peu un pro-Français de
rencontre.
Au-delà
de ces exemples, la
présence des Corses dans un camp puis dans un autre, avec de
nombreux allers et
retours est un trait caractéristique de l’histoire
de la Corse pendant les
troubles révolutionnaires. Des
officiers et soldats corses servent les Bourbons de Naples
après avoir soutenu
le Royaume Anglo-Corse et quitté la Corse à sa
chute. Les officiers sont
issus des rangs des notables qui avaient auparavant rallié
les Français et
lutté contre les paolistes. Emigrés, on les
retrouve
« réconciliés »
avec Paoli à la manière d’un
Buttafuoco. Du côté des
révolutionnaires, les
Corses sont également nombreux, dans
l’armée d’Italie, comme lors de la
reconquête de Naples en 1806, ou le contrôle de la
Sicile. Ils effectuent souvent de nombreux
allers et
retours, eux-aussi : soutien à Paoli
jusqu’à Ponte Novo, puis ralliement
au parti français par intérêt, puis
soutien à nouveau à Paoli
en 1789, mais refus du protectorat anglais
toujours par intérêt.
Ce que
Paoli a compris, n’a
pas compris, a accepté, n’a pas
accepté
Paoli au lendemain de Ponte
Novo est bien seul.
Dire que les notables
l’ont trahi par le ralliement tandis que le peuple restait
fidèle à l’idéal
national paolinien, c’est tenir pour acquis que le peuple
corse se pensait
lui-même comme peuple et nation, ce qui est loin
d’être démontré,
l’inverse, on
l’a vu, est plus vraisemblable. Cependant il n’est
pas douteux que les
divergences d’intérêts parmi les
notables et les chefs militaires ont pesé
aussi lourd dans la défaite que la puissance militaire
française. Paoli en
était d’ailleurs parfaitement conscient.
Après un exil de vingt
années, en Angleterre, Paoli perd le contact
avec la réalité corse et surtout la
montée en puissance du parti français. Il
connaît bien sûr les ralliements mais il
sous-estime la profondeur des
imbrications entre les intérêts des notables et
les carrières et situations
offertes par le Royaume de France. Cette sous-estimation n’a
pas d’effet
immédiat lorsque Paoli accueille la Révolution
Française comme une occasion
pour la Corse de se libérer sous un protectorat
bienveillant. Mais il perçoit assez
rapidement l’incompatibilité entre le jacobinisme
et ses propres vues ;
c’est alors qu’il pourra voir combien le soutien
des Corses lui sera mesuré.
Pour lors, il est fêté, encensé,
dorloté mais trompé (ou se trompe-t-il
lui-même). Il n’a pas que des amis, et
dès 1790, les rumeurs se répandent en
Corse sur ses accointances avec l’Angleterre et ses loges
maçonniques. L’île
connaît des mouvements contre-révolutionnaires qui
sont le signe évident des
profondes divisions d’une société
corse, éclatée comme elle ne le fut jamais.
Paoli prend enfin conscience du fossé qui le
sépare des jacobins et des
conséquences de la Terreur dans l’île
même. Il comprend enfin le véritable
caractère centralisateur et égalisateur (au
rasoir républicain, si besoin) du
pouvoir Conventionnel.
Mais c’est la Convention qui
déclare Paoli hors-la-loi et ce sont des
Corses hostiles qui poussent la Convention, ce n’est pas
Paoli qui rompt. Dès
lors Paoli fait appel aux Anglais, justifiant ainsi, à son
corps défendant, les
accusations dont il faisait l’objet. Mais là
encore, il s’illusionne, le
protectorat anglais se
révèle aussi peu
respectueux des libertés corses telles que Paoli les
conçoit.
Parti pour son troisième et dernier
exil, il observe l’ascension
fulgurante du futur empereur, mais, malgré la rupture avec
les Bonaparte, qui
comptent au nombre de ses accusateurs auprès de la
Convention, il semble se
résoudre à envisager une conquête des
libertés par l’entrée dans la
carrière,
afin que les Corses puissent, individuellement, vivre libres sous
souveraineté
française. On oublie trop que Paoli, bien que
déterminé à chercher le Peuple
corse, à construire la Nation corse, ne le trouvant pas, ne
pouvant la bâtir,
reste un pragmatique qui ne confond pas idéologie et
sincérité, ni liberté des
individus et indépendance.
La
construction du mythe comme alternative au ralliement
napoléonien
Pour les corsistes, le
ralliement napoléonien opère comme
le péché originel. Comment, en effet, se
détacher de la patrie française alors que les
Corses ont prospéré sous
souveraineté française, ont manifesté
leur attachement aux heures les plus
sombres, ont porté le drapeau français dans les
plus lointaines colonies ?
Comment faire si ce n’est en arguant d’un
gigantesque malentendu de deux
siècles ? Comment effacer Napoléon, ou
mieux, pour les plus avertis,
Napoléon III ? Il faut pour cela magnifier un autre
héros. Un héros de la Nation
corse, de
l’indépendance corse, et ce héros
c’est Paoli. Au besoin, on fera subir au
personnage quelques modifications de silhouette. On substitue au
pragmatique
l’idéologue, on efface les revirements du
personnage, on gomme la
reconnaissance de la souveraineté française
révolutionnaire, on ignore la
recherche permanente d’un régime de protectorat,
pour au final, inventer un
champion de l’indépendance là
où l’analyse historique sereine
révèle un défenseur
de la liberté, et, plus encore, de la liberté
individuelle, bien éloigné de
l’idée d’un sacrifice du bonheur au
moloch de la
Nation. L’aventure
paoline fut celle d’un homme des Lumières
pétri des libertés anglaises et
décidé à éprouver ses
idées en les confrontant à la
réalité en cherchant à
créer un Etat dans le pays de ses pères. En
somme, il s’est trouvé une patrie
mais sans que cela infère qu’un peuple unanime
se soit trouvé un père ; loin
d’être une Nation à la recherche
d’un Etat, la Corse sous la direction
de Paoli fut voulue par
lui plutôt que lui par elle.
La suzeraineté
féodale du
Saint-Siège durera jusqu’en 1077 ;
à cette date Grégoire VII confie la Corse
à Pise sans céder
formellement son droit de suzerain.
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C’est
une histoire de mythes et d’identité : la question
corse
qui fait souvent l’actualité
a tordu la mémoire des faits. Le tout
grâce
à la
réécriture de l’Histoire de
l’île et à la mythologisation de
la langue
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Allons
plus loin déshabillons le paon pour découvrir le
poulet qui est
dessous. La Corse fut-elle le phare des Lumières ? Y-a-t-il
eu une
Corse vraiment indépendante et que voulaient les Corses sous
Paoli ?
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La
Corse s’est ralliée. A-t-elle combattu ? La Corse
eut-elle un comportement
si différent des autres provinces de la
République française ? Le
ralliement fut-il facile ? A-t-elle cru se découvrir un
destin ?
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La
petite île a-t-elle voulu donner des gages ? S'est-elle
imaginé un
Empire par
procuration ? Lors de l'occup', fut-elle exemplaire ? A-t-elle des
leçons
à donner ?
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Une
fois l’Empire colonial effondré, que
devient la petite île ? Veut-elle s’en retourner
à son passé glorieux
mais confisqué et veut-elle enfler ses mythes pour les
vendre à l'encan ?
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Les
mythes se portent bien, ils se sont même diffusés
partout. Faut-il en
rester là et faire du chantage à la Dette ? Ou
bien, au contraire,
est-il possible que l'île envisage de sortir du mythe et arrive à affronter la
réalité du monde moderne ?
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