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La
petite île a-t-elle voulu donner des gages ? S'est-elle
imaginé un
Empire par
procuration ? Lors de l'occup', fut-elle exemplaire ? A-t-elle des
leçons
à donner ?
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Résistance
et question juive, voilà un département
exemplaire !
La
Corse pendant le second conflit mondial, c’est le second
grand rendez-vous de cette
mémoire ambiguë qu’est la conscience
collective corse après celui du pacte de
sang / dette de sang de la première guerre mondiale. Dans
l’après-guerre, les
hauts faits d’arme de la Résistance, ainsi que le
titre de premier département
français libéré, et
libéré par ses propres moyens, sont
portés haut par les
insulaires tandis que l’irrédentisme
était discrédité. Lorsque le
nationalisme
renaît dans les années soixante, il lui faudra
là aussi reconquérir la mémoire
corse jusqu’alors investie de sentiments
pro-français. Le discours
anti-colonial, on le verra, lui permettra de se donner une nouvelle
virginité, mais
le nationalisme ne pouvait rester absent de toute tentative
d’interprétation de
cette période de l’Histoire, sauf à
accepter d’être assimilé à un
simple
héritier de l’irrédentisme,
d’autant que, dans le même temps, il
n’hésite pas à
véhiculer des sentiments xénophobes en
prônant la purification ethnique sur la
base du droit du sang.
Pour
résoudre cette équation, plusieurs approches vont
être explorées et des
discours ambigus vont être testés au sein de la
presse et des manifestes,
notamment sur l’Internet, avec parfois un certain
succès en dehors de la sphère
nationaliste ou corsiste. La première
caractéristique de la Résistance corse
à
être mise en avant est qu’il s’agit
essentiellement d’une Résistance contre un
occupant, et une Résistance unanime. Que ceux qui veulent
comprendre
comprennent. Le FLN algérien, en son temps, avait
également développé un
discours sur le parallélisme Résistance
française, occupant nazi,
collaborateurs d’un côté, nationalistes
algériens, occupant français,
collaborateurs algériens de l’autre. Il suffit
donc à nos nationalistes corses
d’insister sur la résistance exemplaire des Corses
entre 1940 et 1943, pour
montrer la voie à tel point qu’on
n’hésite plus aujourd’hui,
même dans des
écrits pas spécialement nationalistes ,
à évoquer la Résistance,
y compris dans ses manifestations les plus mineures telles la
manifestation des
ménagères à Corte et Bastia en mars
1943, et les fêtes spontanées lors de la
capitulation italienne le 8 septembre, comme participant de la
construction de
l’identité insulaire. Il
n’était pourtant jamais venu à
l’idée de personne de
définir la résistance du Vercors comme
participant d’une construction
identitaire dauphinoise!
L’autre
axe de reconstruction historique consiste à minorer ou
à cacher l’engagement
irrédentiste de certains, d’autant plus facilement
que tous, nationalistes ou
non, ont intérêt à maintenir
l’image du département exemplaire, unanime et sans
tache. Les nationalistes vont également être
très discrets sur l’aspect
pro-français des manifestations anti-italiennes de la
Libération, en Corse.
Enfin s’agissant de l’image d’un peuple
sans tache pendant l’occupation, on va
mettre en avant l’attitude des Corses vis-à-vis de
la population juive. Ce
dernier aspect est, d’ailleurs,
régulièrement ressorti pour colorer
d’une justification historique la pratique
de l’aqua in bocca
(omertà).
Il
devient urgent de répliquer à ces reconstructions
historiques soit parce
qu’elles constituent une récupération
éhontée de comportements
héroïques par
les épigones idéologiques d’anciens
tortionnaires fascistes soit parce qu’elles
reposent sur des images forcées de la
réalité, alors que là comme ailleurs
les
Corses eurent des comportements ordinaires, et qu’en ce qui
concerne les héros,
il n’y a pas de mesure de
l’héroïsme, en ce qu’il est
vain de mesurer le sang
d’un Résistant à l’aune
d’un autre .
Le
département exemplaire
Voici
le cas type du mythe ambigu : un département plus
résistant que les
autres, tôt libéré ce qui laisse penser
pour ceux qui n’ont pas pris la peine
de regarder plus avant, qu’il fut plus tôt en
résistance. Or l’un ne découle
pas de l’autre, mais plutôt d’un
caractère stratégique plus affirmé
(l’USS
Corsica ! les américains considérant la
Corse comme un porte-avion
naturel), d’un maréchalisme qui fut
déçu plus tôt qu’ailleurs,
enfin d’un
investissement politique du parti communiste sur l’ensemble
des réseaux de
l’île. Il est, à ce propos, significatif
que le gaullisme ne fut pas leader
dans la Résistance mais dut se résigner
à laisser la main aux communistes du
Front National.
Nous
parlons donc d’un département qui se veut meilleur
que les autres départements
français et dont l’héroïsme
constitue un écho de la tradition séculaire de
résistance corse à l’oppression (suivez
mon regard). Deux thèmes sont ainsi
suggérés par la démarche de
récupération d’un épisode de
l’Histoire corse qui
fut longtemps la chasse gardée de la mémoire
républicaine de fidélité à
la
France. Le premier thème est celui de la tradition de
résistance, dans laquelle
tout corsiste peut identifier ce qui dans la résistance
à l’occupation
italienne correspond à l’expression
d’une identité insulaire et non d’une
identité française. Le courage d’un
Jean Nicoli ou d’un Fred Scamaroni
s’interprète comme une résistance
à l’occupant fasciste, ce que c’est
objectivement, mais en obscurcissant la composante
républicaine. Ce second
thème, celui de l’antifascisme permet aux
nationalistes de se démarquer de
l’irrédentisme en se construisant une filiation
honorable auprès de héros qui ne
recherchaient pourtant que la libération de la Corse et non
sa séparation
d’avec la France.
Ce
département est également meilleur que les autres
parce qu’il se serait mieux
comporté vis-à-vis des Juifs. Le courage
indéniable des habitants de la haute vallée
d’Asco vient à l’appui de cette
prétention. L’enjeu peut paraître
anodin ;
en réalité, il vise à donner un brevet
d’anti-racisme à une population
insulaire auprès de laquelle on ne cesse de promouvoir une
vision ethniciste du
peuple corse. Il ne s’agit ici ni d’une
démarche fortuite, encore moins
anecdotique, mais tout simplement d’une tactique
éprouvée consistant à se
prévaloir d’un passé exemplaire pour
mieux avoir les coudées franches
aujourd’hui. Ces coudées franches, les
fonctionnaires continentaux, parfois les
conjoints de Corses et plus sûrement encore les
maghrébins installées dans
l’île, en font les frais.
La
xénophobie anti-maghrébine pour ne pas parler de
racisme que certains Corses
manifestent fait une réputation sulfureuse à la
Corse depuis plusieurs années. Et
les Gli Arabi Fora suivent de près les inscriptions IFF (i
francesi fora). La banalisation
de l’expression ethniciste du discours nationaliste et la
disparition des
repères qu’elle entraîne fait perdre
à certains insulaires toute mesure. Les
chiffres de 2004 du Parquet général de Bastia
ainsi que les chiffres de la
Gendarmerie vont dans le même sens en constatant 48 atteintes
xénophobes,
dont
certains sont imputables à un groupe se
présentant comme nationaliste en
proposant un discours assez décousu concernant la lutte
contre la drogue et
contre l’immigration. Regrettons enfin
qu’après une période
d’occultation
valorisant à l’inverse la notion de
communauté de destin, le discours sur la
colonisation de peuplement, la disparition du peuple corse et son
corollaire,
la reconquête de la terre corse (a tarra nostra)
sonnent comme un retour
de l’idéologie de purification. Au-delà
de la sphère nationaliste, il ne faut
souvent pas très longtemps avant de connaître le
véritable sentiment des Corses
vis-à-vis des communautés perçues
comme allogènes. Aussi, peut-on s’autoriser
certaines interrogations sur l’exemplarité et la
promptitude de l’entrée en
Résistance de la Corse telles qu’elles nous sont
vantées comme autant de brevet
de fidélité à la
République, d’un côté, ou de
garantie d’anti-fascisme, de
l’autre.
Le
premier élan, celui du maréchalisme,
là
comme sur le continent
La
capitulation des armées françaises le 18 juin
1940 se traduit en Corse par
l’application de l’armistice franco-italien
dès le 25 juin. Cet armistice
laisse l’administration civile au régime de Vichy
mais donne la possibilité à
l’armée italienne de prendre le contrôle
des ports, des industries et lui
confie l’administration directe des ressortissants italiens
résidant dans
l’île. Les apparences sont donc sauves. La crainte
du rattachement de l’île à
l’Italie est contrebalancée par la relative
habileté du nouveau régime qui va
tenir à peu près ferme sur les conditions
d’application de l’armistice
jusqu’à
l’hiver 1941, moment à partir duquel les pressions
vont devenir de plus en plus
fortes. Par voie de conséquence, le régime de
Vichy va acquérir une bonne
réputation dans l’île, provoquant un net
ralliement à la personne du Maréchal.
Les premiers signes de résistance sont eux aussi
précoces mais il s’agit alors
d’une résistance militaire et anti-italienne dans
son essence. Les premiers
tracts appellent à lutter contre l’envahisseur
italien mais sans appeler à une
résistance anti-vichyste et l’appel du
Général de Gaulle n’est pas plus
entendu
ici qu’ailleurs. Vichy sait utiliser son image de
« résistant » aux
prétentions italiennes pour se faire une
clientèle en Corse, aussi assiste-t-on
à l’élaboration d’une
curieuse équation, où le meilleur moyen de
prouver son
attachement à la république et à la
France est précisément de soutenir le
régime du Maréchal Pétain. Ce
n’est que lorsque Vichy ne pourra plus résister
aux demandes pressantes des autorités italiennes, et que
celles-ci vont pouvoir
se comporter en territoire conquis sans que les autorités
civiles (préfet et
sous-préfets) ne puissent rien faire, que les Corses
migreront vers une
attitude de résistance au sens où on
l’entend sur le continent.
En
attendant, les élites corses se sont ralliées et
peuplent les plus hautes sphères
de l’Etat Français, malgré
l’attitude lucide de certains comme Paul Giacobbi,
sénateur radical socialiste, l’un des 80
parlementaires à avoir refusé les
pleins pouvoirs au Maréchal Pétain.
Dès juillet 1940, son vieil ennemi François
Pietri est ministre de la Communication. Les autres parlementaires se
rallient
au régime. N’hésitons
pas à le rappeler, la Corse a été
majoritairement
maréchaliste, confère le vote des
députés insulaires lors des pleins pouvoirs
au Maréchal Pétain. Si François
Pietri, chef du clan de droite, a soutenu la
coopération avec « l'intelligence allemande
», d'autres Corses, se sont
compromis de façon plus intense et parfois criminelle avec
le fascisme, ainsi
un Simon Sabiani qui appartenaient au PPF de Jacques Doriot, ou bien le
gendre
de François Pietri, Horace de Carbuccia, patron du journal
extrémiste
« Gringoire »,
ou le préfet Chiappe et le parfumeur Coti. Ce
côté obscur de la Corse œuvre, il
est vrai, souvent hors de l’île, mais les relais
issus de l’ultra-catholicisme
dans les villes du Delà (essentiellement Porto-Vecchio et
Ajaccio), sont
sensibles aux campagnes antisémites. La quasi-absence de
Juifs en Corse n’est
nullement un empêchement, le prurit antisémite ne
nécessitant qu’un faible
terreau (voyez, pour l’anecdote, la naissance d’un
prurit antisémite au… Japon,
dans les années 1980).
Plus
significatif encore est le succès considérable de
la Légion Française des
Combattants. Cette association d'anciens combattants est
créée le 29 août 1940
par Xavier Vallat et devenue en 1941
« Légion française des
combattants et
des volontaires de la Révolution
nationale », elle vit son champ d’action
considérablement élargi pour encadrer la
population tout entière bien au-delà
de la clientèle des anciens combattants pour devenir le seul
vrai mouvement de
masse du régime ayant pour objectif la mobilisation de
l’opinion en faveur de
Vichy. En Corse comme ailleurs, elle participa à la
sélection des maires des
villes en fonction de leur fidélité
supposée à la Révolution nationale. De
cette Légion sont issus le Service d’Ordre
Légionnaire et surtout la Milice. Dès
janvier 1941, la LFC compte 7500 adhérents en Corse pour
atteindre un pic de
18000 adhérents en avril de l’année
suivante soit 12 % de la population
insulaire, à comparer aux 1500000 au niveau national (11%).
En clair, la Corse a
mobilisé ses sentiments maréchalistes
à une hauteur comparable à celle du reste
de la France.
Le
travail de la Légion porte ses fruits avec la mise au pas
des élites et les
opérations de sélection des élus et
des maires par le moyen des listes de
recommandation ou d’éviction que la
Légion envoie à la Préfecture. Le
Conseil
Général de la Corse est dissous dès
le mois d’août 1940 et Camille de Rocca
Serra est nommé président de la Commission
Administrative départementale de la
Corse. Le maire de Bastia est destitué ainsi que celui de
Calvi ; seul
parmi les maires des principales villes, celui d’Ajaccio
conserve son fauteuil.
Après un mouvement préfectoral rapide, la Corse
est ainsi parfaitement sous contrôle
dans l’indifférence des habitants, qui,
répétons-le, perçoivent alors le
régime
de Vichy comme le seul rempart efficace contre une annexion par
l’Italie.
L’irrédentisme
caché
Dans
le cadre de l’accord d’armistice,
l’armée italienne assure la garde des
côtes
corses et s’installent dans les principales villes. Si les
forces italiennes
laissent l’administration civile française en
place, elles déploient un effort
de propagande intense sur la base des éléments
travaillés par les Corses
irrédentistes réfugiés dans la botte
depuis quelques années, et notamment ceux
du groupe des étudiants corses à Pise. Les moyens
de propagande sont nombreux
et fortement incitatifs, en particulier, l’offre de soins
médicaux gratuits
pour les insulaires, le rachat de produits de l’île
à prix élevés pour
améliorer les bénéfices des commerces
et de l’industrie, enfin, un
développement important de la presse et des opuscules
favorables au
rattachement de l’île. Le taux
d’occupation est considérable, avec 85000 hommes
pour une île de 150000 habitants seulement, permettant ainsi
un maillage très
serré du territoire.
Sans
doute la plupart des Corses ne
cultivaient-ils pas de sentiments irrédentistes si
l’on en croit les
protestations de fidélité à la France
réitérées depuis des années
sans oublier
le fameux serment du 4 décembre 1938 fait devant le monument
aux morts de
Bastia en présence d’une foule compacte proclamant
que « Face au monde, de
toute notre âme, sur nos gloires, sur nos tombes, sur nos
berceaux, nous jurons
de vivre et de mourir Français ».
Néanmoins il est faux de prétendre que
l’irrédentisme était inexistant ni
même qu’il était insignifiant. Parmi les
intellectuels, l’audience du muvrisme
n’était nullement confidentielle malgré
un tirage de la revue en chute libre et le parti corse
d’action a pu peser
parfois avec succès sur la participation aux scrutins.
Enfin les
textes irrédentistes
italiens comme « Le terre nostre
ritornano », ou corse comme Corsica
Nostra de Petru Giovacchini n'hésitent ainsi pas à
mettre en avant le passé
commun supposé prospère, en taisant tout ce qui a
pu opposer les Corses aux
républiques génoise, voire pisane, et en
soulignant les lacunes –réelles– de
l’Etat français avant-guerre.
Ainsi
l’irrédentisme proprement dit semble
s’être implanté
aux deux extrémités de
l’échelle intellectuelle et sociale,
d’un côté des
journalistes des publications irrédentistes ou des
écrivains (voir le chapitre
sur le muvrisme), de l’autre quelques collaborateurs des
basses œuvres et
dénonciateurs.
La
lente entrée en Résistance
Jusqu’en
fin 1942, les commissions italiennes de l’armistice vont
pousser leur avantage
en mordant toujours un peu plus sur les prérogatives
françaises. Avec
l’occupation de la zone
« nono »
par les troupes allemandes
en novembre 1942, les Italiens déclenchent
l’opération C2 de contrôle total de
la Corse, comprenant l’occupation effective des villes et des
ports. Par
ailleurs, les mesures libérales tournent vite court.
Après quelques mois de
propagande, le naturel d’une armée
d’occupation revient au galop, avec
appauvrissement de la population, pillages des récoltes et
de la nourriture.
Cette nouvelle donne fait basculer la population vers la
résistance.
Jusqu’alors, deux ans et demi après
l’appel du 18 juin, la
Résistance était toujours inexistante. Elle va
commencer à se former lentement,
et essentiellement derrière les communistes sous la
bannière du Front national.
Si dès novembre 1940, les Jeunesses Communistes de Bastia
lancent les premiers
tracts anti-gouvernementaux, c’est en mai 1941 que commence
la lente
mobilisation des cadres du Parti, avec la fondation du Front National,
autour
des principales personnalités communistes de
l’île, François Vittori, Raoul
Benigni, Etienne Micheli et Arthur Giovoni. D’autres
organisations émergent sans
avoir la même assise que le Front National, et moins
expérimentées dans une
situation de clandestinité, elles sont plus rudement
touchées par la police
fasciste, l’OVRA
(Organizzazione
di Vigilanza Repressione dell'Antifascismo),
renseignée par les irrédentistes corses et les
pétainistes ultras. Cette résistance militaire ou
politico-militaire dans le
cas du FN, se conjugue avec une résistance de fait, plus
traditionnelle, qui
puise sa source dans les solidarités de clans ou les
solidarités villageoises, fortement
anti-italienne et à forte manifestation sociale (ainsi les
manifestations de
ménagères de Corte et Bastia en mars 1943 contre le mauvais
ravitaillement). Enfin, en
Corse comme sur le Continent, les maquis de
résistance sont
alimentés par les réfractaires au STO. Le Front
National se met en position de
capter autant le mécontentement social que
l’anti-irrédentisme, en se prévalant
des grandes figures identitaires comme Paoli ou Sampiero Corso, et en
fédérant
les engagements de chacun.
Depuis
juin 1941, des contacts sont
établis avec les différents réseaux
pour les unifier. Dans un contexte de
rivalité avec le Général de Gaulle,
dès le mois de décembre 1942, le
général
Giraud, co-président du Comité
français de libération nationale envoie une
mission,
à bord du sous-marin Casabianca, avec
pour objectif de créer un réseau
de Résistance. Fred Scamaroni est envoyé
à son tour par le général de Gaulle en
janvier 1943 pour tenter l'unification de la Résistance. La
démarche, pourtant mieux
engagée que celle de Giraud puisqu’elle prend en
compte le fait du Front
National, tourne court en raison de l’arrestation par
l’OVRA de Scamaroni qui,
torturé, se suicide pour ne pas parler, le 19 mars 1943. Son
réseau démantelé,
Giraud envoie, le 4 avril 1943, Paul Colonna d'Istria pour reprendre le
programme de fédération des mouvements de
résistance mais aussi pour mettre en
œuvre la logistique nécessaire au
débarquement comme la recherche
de terrains de parachutage et la
définition des objectifs militaires tactiques au jour "J".
Cette
mission se heurte à l’intransigeance du Front
National qui se présente comme
l’unique interlocuteur de la France Libre, et exclut certains
autres mouvements
des négociations. Colonna d’Istria n’a
d’autre choix que de reconnaître et
soutenir le Front en lui faisant envoyer depuis Alger le
matériel militaire
nécessaire par parachutage. Si l’initiative du
débarquement allié n’appartient
pas à la Résistance corse, en revanche,
début août, le Parti communiste décide
que l’annonce de la capitulation italienne, que tous tiennent
pour imminente,
doit être le déclencheur de
l’insurrection générale.
Le coup
de force de la Résistance corse
communiste
Le
Front National, grossi de l’ensemble des réseaux
de Résistance en application
des résultats des négociations Colonna-FN,
déclenche le jour dit
l'insurrection. Loin d’être une action absurde, si
elle demeurait risquée, elle
était inévitable, car l’armistice
italien devait logiquement conduire les
troupes italiennes, hormis les Chemises Noires, à capituler,
mais pouvait tout
aussi bien conduire les Allemands à se substituer
très rapidement à leurs
anciens alliés, en exerçant une
répression particulièrement brutale, de nature
à mettre la résistance à genoux.
En
d’autres termes, à trop attendre, les
résistants peuvent se trouver face à une
armée disciplinée et redoutable, et donc
à transformer la Corse en une
forteresse nazie barrant la route aux forces alliées et
notamment à l’aviation
américaine souhaitant bombarder le front allemand dans la
botte italienne.
Le 8
septembre, Giovoni après sa
rencontre à Alger avec le général
Giraud qui lui promet de 1’aide, informe le Front
National qui déclenche l’insurrection le soir
même. Le soulèvement d’Ajaccio du
9 septembre est un succès, les Allemands
stationnés à la Parata sont
arrêtés à
l'entrée de la ville, le 10 septembre, et
refoulés vers la mer, où ils
s’embarquent. Ainsi, le port d'Ajaccio est prêt
à servir de tête de pont pour
le débarquement attendu. Les autorités
d’Alger sont
« bousculées » par
la rapidité de la réaction des
résistants corses et Giraud prend la décision
d'envoyer en Corse le 1er corps
d’armée. Malgré tout, les
problèmes
logistiques sont énormes, et la
précocité de l’insurrection
gêne le
commandement interallié qui refuse de détourner
une partie des moyens engagés à
Salerne pour un débarquement en Corse. Aussi, les Français vont-ils
littéralement entasser les troupes du 1er
corps dans deux sous-marins, dont le fameux Casabianca, deux
contre-torpilleurs
et deux torpilleurs. De même une escadrille de chasse
alliée va-t-elle pouvoir
atterrir sur le terrain de Campo dell’Oro. Les hommes du 1er
bataillon
de choc sont rejoints à Ajaccio par le 1er
régiment de tirailleurs marocains,
par des spahis, et des goumiers, groupant 6000 hommes de troupe. Ils
disposent
d’un armement assez conséquent (400 tonnes
d’armes) ainsi que des éléments de
l’artillerie et du génie. Dans le même
temps, la résistance commence à
contrôler les points de passage entre le
Deçà et le Delà, empêchant
les
Allemands de progresser vers l’Est, et les contraignant
à ne pouvoir contrôler
réellement que le littoral occidental.
Une Corse
libérée par les Italiens ?
A
l’annonce de l’armistice, le
Maréchal Badoglio avait fait parvenir l'ordre de ralliement
aux forces alliées,
cet ordre s’appliquant bien évidemment en
Sardaigne et en Corse comme dans la
Péninsule. En fonction de la capacité des
armées italiennes à l’appliquer
effectivement, c’est-à-dire sans
s’engager dans des affrontements incertains
contre les unités allemandes, l’ordre fut
diversement interprété. Ainsi, en
Sardaigne le Generale Basso
passe-t-il un accord avec le commandement allemand pour
l’évacuation des 20 000
hommes de troupe de l'île. Il ne se décide
à appliquer l’ordre de renversement
d’alliance qu’avec retard, le 17 septembre,
c’est-à-dire une fois que la
quasi-intégralité des forces allemandes
stationnées en Sardaigne sont passées
en Corse, pour se donner une victoire facile face aux 500 derniers
soldats
allemands retardataires. Ce comportement peu glorieux
avait permis aux Italiens de
préserver leurs
forces d'un combat qui aurait pu tourner à leur
désavantage dans le cas d'une
attaque frontale avec le gros de la Division de Panzers.
C’est un peu le même
scénario qui faillit se dérouler en Corse. En
effet, les 14000 Allemands de la
division Reichführer en place et le cheminement de la Division
de Panzers
venant de Sardaigne posaient un problème difficile au Generale Magli qui était, par
ailleurs confronté à la montée en
puissance des troupes du maquis, lesquelles pouvaient être
renforcées d’un
moment à l’autre par le département de
troupes alliées, soit potentiellement
18000 hommes.
Face aux
deux ultimatums reçus le 8
septembre, celui du commandement allemand qui exige le
désarmement des forces
italiennes, et celui de Paul Colonna d'Istria qui réclame
une prise de position
sans équivoque du commandement italien, le Generale
Magli commandant les forces régulières italiennes
en Corse finit par opter pour
celui provenant de la résistance corse, avec certains
atermoiements.
Prudemment, il passe un accord avec la résistance locale, le
10 septembre, sur
la base d’un engagement total contre les troupes allemandes
après avoir passé
un accord de principe, deux jours auparavant, avec le General Von
Senger en lui
promettant de faciliter le transfert des troupes allemandes de
Sardaigne, et en
le berçant de promesses sur sa volonté de mater
la rébellion. A la différence
du commandement italien de Sardaigne, l’attentisme des forces
italiennes ne fut
pas total, et, dès le 18 septembre, soit huit jours
après l’accord passé avec
la résistance corse et la confirmation du
débarquement réussi des Français
à
Ajaccio, le Generale Magli passait
à
l'offensive contre les Allemands.
Pendant
toute cette période, la
situation est extrêmement confuse et les commandants des
troupes italiennes
restent sans consigne claire. La tension avec les Allemands augmente
avec des
premiers incidents graves qui éclatent autour du port de
Bastia.
La DCALLa DCA italienne
tire sur des avions allemands, un
navire italien est attaqué et incendié. Le 9
septembre, plusieurs navires
allemands sont pilonnés par les positions italiennes. Le
même jour, résistants
corses et soldats italiens s'emparent de la citadelle, de la gare et
des
principales voies de communication. Les Italiens s’engagent
dans des
escarmouches à Sartène et à Folleli,
le 10, à Bastia de nouveau le 11. Les
Allemands ont renoncé à une occupation totale de
la Corse, mais ils peuvent
vouloir élargir le contrôle de la plaine orientale
qui leur sert à l’évacuation
des troupes pour un embarquement par Bastia ou par les
aérodromes de Borgo et
de Ghisonaccia.
Le commandement français pose, le 17
septembre, les conditions de la
coopération franco-italienne ; l'accord, conclu le
21 septembre, prévoit
une action dans le sud de l'île et une attaque convergente
sur Bastia. Les
Italiens marchent sur Sartène, tandis que
d’autres prennent position pour empêcher une
éventuelle percée allemande vers
Corte, siège du PC du Generale
Magli.
Les Allemands reprennent possession de l’aérodrome
de Borgo et du Port de Bastia,
la division Friuli ayant été défaite
(nombreux morts et blessés italiens, 2000
prisonniers). Dans le secteur de Levie, les Italiens essaient de
bloquer le
tunnel de Bassino et le col d’Ava, mais doivent
évacuer les villages en
attendant que le 1er Choc français
rétablisse la situation. Un
bataillon italien essaie de couper la route de Corte mais doit reculer
en
laissant 161 hommes. La division Friuli participe aux combats du col de
Teghime
à la fin du mois. A compter du 26,
l’étau se resserre autour de Bastia, les
Allemands, convaincus du coût excessif d’une
contre-offensive vers l’Ouest,
consacrent leurs efforts à l’évacuation
la plus rapide possible.
Après
une série de bombardements de Bastia par la Royal Air Force
et l’US Air Force,
le 13 et le 21 septembre, les résistants corses et les
troupes régulières
françaises progressent par le sud et les tabors, spahis,
goumiers et troupes
italiennes progressent par l'ouest, avec l’aide des
résistants du Cortenais et
de la Balagne. Les Allemands cherchent à protéger
leur retraite en se repliant
sur 1e port de Bastia aussi la libération du port est-elle
obtenue après
d’âpres combats.
Tableau
des pertes (9
septembre – 4 octobre)
|
Italiens
|
FFL et troupes d’Afrique
|
Corses
|
Tués
|
637
|
75
|
170
|
Blessés
|
557
|
239
|
3130
|
Ainsi,
l'opération d'intervention
« Vésuve »
décidée en hâte à Alger pour
prêter main forte au déclenchement de
l’insurrection réussit grâce
à une coopération au final assez satisfaisante
entre des éléments aussi
hétérogènes que les partisans corses,
les troupes de
l'armée d'Afrique et les troupes italiennes. Les Allemands
se retirent de Corse
en subissant la destruction d'une centaine de chars, de 600
pièces d'artillerie
et de 5 000 véhicules divers. Je laisse au lecteur le soin
de tirer tous les
enseignements du tableau des pertes qui montre que la Corse ne
s’est pas
vraiment libérée da sé
et si l’appui italien ne fut pas à lui seul
décisif, loin d’être anecdotique il me
semble plutôt symptomatique des conditions
particulières à l’île de
Corse.
Après
le
débarquement en Afrique du Nord et la libération
de la Corse par les résistants
insulaires, des troupes de l'Armée d'Afrique, un bataillon
de choc français, et
des éléments italiens ralliés,
l’île devait servir de base en vue de
bombardements du front allemand en Italie, mais aussi vers la Provence,
l'Autriche, ou l'Allemagne. Elle devînt ainsi un porte-avions
naturel, avec,
entre autres, les bases de Solenzara, Ghisonaccia, Serragia et Alesani,
ce qui
lui a valu le surnom de U.S.S. Corsica,
à la manière des bâtiments de l'US
Navy. Dès le départ des troupes
allemandes acquis, les troupes alliées
utilisèrent les pistes d'aviation
existantes, les réparèrent et en construisirent
de nouvelles : au total,
pas moins de dix-sept camps d’aviation qui virent transiter
des centaines de
milliers de soldats, pour l’essentiel, américains.
Cette situation stratégique
de l'île au cœur
de la Méditerranée
occidentale l’a sans doute sauvée, car si
l’appui fut donné par les troupes de
la France Libre, de l’armée d’Afrique et
des Italiens, l’armement ne fut pas
compté, en raison de
l’intérêt stratégique que
revêtait le contrôle de l’île.
La
question juive
On se
représente la persécution des juifs en Corse
à l’aune
de celle prévalant dans les territoires occupés
par les nazis. L’enjeu est de
taille car il s’agit de dire trois choses : les
Corses furent les plus
exemplaires, les Corses cachèrent des Juifs chez eux, dans
leur maison à la
manière dont Anne Frank fut cachée, les Corses
savent donc résister à
l’occupant quelle que soit sa vindicte. L’allusion
est d’autant plus vaniteuse
et scandaleuse qu’elle est utilisée à
tout propos et hors de propos, ainsi à
l’occasion de la non dénonciation de
l’assassin présumé du préfet
Erignac, feignant
de croire que la situation de cet assassin
présumé est comparable à celle
d’un
Juif persécuté parce que juif, assimilant de fait
la police et la gendarmerie à
une Gestapo française. Sans souligner plus avant combien
cette attitude
idéologique revient à nier de fait la
spécificité du nazisme (et de la Shoah),
puisque selon les propagateurs de ce type de réflexion
auprès d’une jeunesse
souvent peu au fait des réalités historiques,
tout se vaut, donnons-nous la
peine de regarder de plus près la pertinence de la
référence à la question
juive dans le contexte corse. En d’autres termes, quelle fut
la relation de la
Corse à l’accueil des Juifs, combien de Juifs
demeuraient en Corse, pourquoi
certains ont-ils rejoint la Corse pendant l’occupation de
celle-ci par les
Armées italiennes, quels risques couraient-ils vraiment, qui
les a sauvé dans
les faits ?
Premier
point, les Corses
n’auraient pas été seulement
accueillant, ils ont invité
les Juifs
à s’installer parmi eux. Sans accorder plus
d’attention que nécessaire aux
signes d’une immigration juive
ancienne,
d’ailleurs éparse, ponctuelle et liée
aux persécutions notamment celles du XVIè
siècle à Naples, et pour lesquels les traces
restent parcellaires, il est vrai
qu’après le roi Théodore, Pascal Paoli
a cherché à favoriser la venue
d’artisans et commerçants juifs, en provenance de
l’Italie du Nord et de
Livourne pour aider au développement du jeune Etat
qu’il essayait de créer et
sans doute aussi afin de
« casser » les liens de
clientèle habituels
par une ouverture sur des réseaux de solidarité
allant au-delà de l’île. Il est
patent que du côté nationaliste on
s’essaie à des chiffrages flatteurs :
furent-ils 5000 ou 10000 ? on ne sait, comme on ne sait par
quels moyens
ils purent débarquer ; étaient-ils
tassés à fond de cale ou des flottilles
entières n’arrêtaient-elles donc jamais
de faire le va-et-vient entre les ports
italiens (lesquels d’ailleurs ?) et les ports corses
(lesquels ? et
les Génois n’ont-ils rien vu ?).
Qu’importe l’essentiel est ailleurs, il
s’agit de montrer une forte capacité des Corses
à accueillir, et à assimiler
puisque les mêmes nous annoncent 25 % de Corses
d’origine juive, chiffre
invérifiable
et certainement nullement
prouvé quant à son ampleur par la seule analyse
des noms de famille. Peu
importe sans doute aux yeux de nos Nouveaux
Résistants , la démarche
n’est qu’un mémoire en
défense, il s’agit de faire
pièce aux accusations de xénophobie. Il est en
tout cas certain que les Juifs
furent très rapidement assimilés (ou
peut-être sont-ils partis ?) puisque
le recensement du milieu du XIXè siècle ne donne
plus que 4 individus juifs
en
tout et pour tout ! Regardons plus près de nous, au
siècle dernier, qu’en
était-il ? Pendant l’occupation de la
Corse, 150 juifs ont probablement
résidé en Corse sans y avoir aucune racine pour
la plupart, notamment des Juifs
en poste dans la fonction publique qui furent d’ailleurs
révoqués. Le Conseil
Représentatif des Institutions Juives de France (CRIF)
avait, un temps, répertorié
dans son site internet deux cents co-religionnaires en 2005,
essentiellement à
Bastia (une trentaine de familles selon un autre source).
Mais en l’occurrence il s’agit
d’individus rapatriés
d’Algérie. Aussi, de quels
Juifs parle-t-on lorsqu’on évoque
l’attitude exemplaire des Corses à leur
endroit aux heures sombres de l’Occupation ?
Second
point, en
effet, pourquoi les Juifs se sont-ils
retrouvés plus nettement nombreux pendant la
période de l’Occupation
qu’avant ? Rappelons les faits. En juillet 1942, les Juifs de
France sont déportés,
à l’exception de la zone sud, les Allemands n'y
étant pas encore présents. A compter de l’invasion
de
la zone Sud, la pression à la déportation se fait
directe mais dans les départements
occupés par les Italiens peu de campagnes
anti-sémites sont lancées,
l’Armée
italienne et jusqu’à un certain point les
unités fascistes étant peu enthousiastes
à suivre sur ce terrain leur encombrant allié. C’est si vrai que les
filières utilisées par
les Juifs pour fuir les persécutions avaient souvent pour
destination l’Italie
ou les zones contrôlées par elle. Ainsi, les quelques 150 individus juifs
recensés en 1942 en
Corse ne furent nullement inquiétés
jusqu’à la chute de Mussolini, malgré
quelques vexations de la part de militants du PPF. En revanche,
dès avant
l’avènement du gouvernement Badoglio en septembre
1943, les Allemands
investissent le territoire italien et les nazis commencent à
organiser les
premiers convois de déportés.
En
Corse, c’est à compter d’août
1943 que les SS entreprennent de regrouper les
Juifs avec l’aide du nouveau préfet
jugé plus sûr que son
prédécesseur. Mais,
là aussi, soyons honnête, la Corse a
tremblé pour ses Juifs pendant…cinq
semaines, jusqu’au soulèvement
général. Cela
n’est nullement comparable
à la traque qui s’était
exercée en zone
occupée, ni même en zone sud à compter
de novembre 1942 (les derniers convois
partiront de Drancy le 17 août 1944). La priorité
allemande devient le
regroupement des unités militaires après
l’ordre d’évacuation de la Sardaigne
et de la Corse donné par Hitler le 12 septembre,
l’évacuation totale par les
troupes allemandes étant effective le 4 octobre. Le
quadrillage de la
population s’est donc limitée à une
durée d’un gros mois ce qui ne constitue
pas une contrainte capable d’émouvoir un alsacien,
par exemple ! Pendant ces quelques
semaines difficiles, et à l’inverse de ce qui se
répète ici ou là sans
vérification, les Juifs ne furent pas tous sauvés
puisque 70 sont néanmoins regroupés
et déportés.
S’il
est exact que des Juifs furent cachés par des Corses, il
serait naïf d’imaginer
l’ensemble de la population corse cachant
l’ensemble de la population juive.
Dans cette action, les quelques Corses impliqués ne furent
pas seuls ;
citons l’action
remarquable du sous-préfet de Sartène,
nommé pourtant
par Vichy, Pierre Joseph Jean-Jacques Ravail qui a
œuvré en faveur d’une bonne
partie des Juifs épargnés. Citons aussi un
événement soigneusement tu :
qui a regroupé ces Juifs dans les vallées de
l’Asco ? Vous ne devinez
pas ? Les soldats italiens ! Ainsi, les quelques dizaines
d’individus qui furent
soustraits à la déportation demandée
par les Chemises Noires (environ 80
personnes venant de Bastia)
bénéficièrent d’une forme de
coopération
italo-corse. En effet,
les Juifs regroupés par les autorités
françaises
avant la reprise en main par les SS, furent confiés aux
Italiens, lesquels
relâchèrent les femmes et les enfants, et se
contentèrent d’assigner à
résidence les chefs de famille à
l'école communale d'Asco. Ils y furent nourris
et, par la suite, l’évasion d’une grande
partie fut organisée avec la
complicité des Italiens.
Prétendre
comme le font la plupart des Corses, nationalistes ou non,
qu’aucun Juif ne fut
déporté parce que les Corses les ont
cachés c’est se draper d’un
héroïsme qui
fut largement partagé par d’autres,
s’agissant d’une population très
réduite et
donc moins visible,
et qui ne fut pas aussi
complet qu’on se plaît à
l’imaginer puisque quelques dizaines d’individus,
comme on l’a vu,
n’échappèrent pas à leur
sort funeste. Le tout se joue dans un
espace difficile, montagneux, au sein d’une population
très encadrée mais par
des soldats peu pénétrés
d’antisémitisme et où les nazis sont
absents hormis la
période des cinq semaines précédant la
reddition italienne. Rien de comparable
avec une région comme l’Alsace, très
dense, où la communauté juive est si
visible qu’elle en est constitutive de
l’identité alsacienne, et où le parti
nazi quadrillait la population au plus près des habitants
par le moyen de ses
chefs de blok.
Attention
aux tentatives de
hold-up historique !
Les discours
corsistes ne sont jamais innocents, on l’a vu
tout au long de cet ouvrage ; ils font flèche de
tout bois parfois
jusqu’au ridicule, comme les références
aux Juifs Egyptiens qui seraient venus
trouver refuge au IXè siècle pour montrer
l’ancienneté de l’attitude des Corses
(en oubliant que ces Corses, quant
l’événement serait
avéré,
n’ont pas grand’chose à voir avec les
Corses d’aujourd’hui, les divers courant
migratoires faisant définitivement litière
d’une quelconque ethnie corse
intangible).
La pratique de
l’amalgame et de l’approximation est
également
répandue, les chiffres sont indiqués sans mention
des sources, encore moins
leur critique, les intentions des acteurs du passé sont lues
à la lumière de ce
qu’on veut démontrer au présent. Les
faits contredisant le courage solitaire et
fier (ombrageux ?) des insulaires sont
opportunément oubliés comme le rôle
des Italiens dans la libération de la Corse
(après tout, ils ont perdu plus
d’hommes que la résistance corse !) ou
bien encore le
maréchalisme foncier des insulaires
en 1940, qui est au diapason de celui du Continent.
Alors que
reste-t-il de l’exemplarité corse ?
Ceci : la Corse
se souleva unanimement et fut le premier département
métropolitain libéré. Mais
tout département présentant les
caractéristiques suivantes aurait été
tout
autant exemplaire : être une île, bien
placée entre l’Afrique du Nord et
l’arrière du front italien dans la Botte,
être occupée par les Italiens et non par les
Allemands.
Comité
interministériel de
lutte contre le racisme et l’antisémitisme du 18
janvier 2005 - Bilan de
l’action judiciaire.
8000 Juifs italiens,
soit
près de 20 % de la population juive du pays,
déportés ou disparus dans des
massacres tel celui, en mars 1944, des Fosses Ardeatines à
Rome (75 Juifs parmi
les 335 victimes) - voir mémorial de la
shoah-musée et centre de
documentation juive contemporaine
|
C’est
une histoire de mythes et d’identité : la question
corse
qui fait souvent l’actualité
a tordu la mémoire des faits. Le tout
grâce
à la
réécriture de l’Histoire de
l’île et à la mythologisation de
la langue
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Allons
plus loin déshabillons le paon pour découvrir le
poulet qui est
dessous. La Corse fut-elle le phare des Lumières ? Y-a-t-il
eu une
Corse vraiment indépendante et que voulaient les Corses sous
Paoli ?
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La
Corse s’est ralliée. A-t-elle combattu ? La Corse
eut-elle un comportement
si différent des autres provinces de la
République française ? Le
ralliement fut-il facile ? A-t-elle cru se découvrir un
destin ?
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La
petite île a-t-elle voulu donner des gages ? S'est-elle
imaginé un
Empire par
procuration ? Lors de l'occup', fut-elle exemplaire ? A-t-elle des
leçons
à donner ?
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Une
fois l’Empire colonial effondré, que
devient la petite île ? Veut-elle s’en retourner
à son passé glorieux
mais confisqué et veut-elle enfler ses mythes pour les
vendre à l'encan ?
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Les
mythes se portent bien, ils se sont même diffusés
partout. Faut-il en
rester là et faire du chantage à la Dette ? Ou
bien, au contraire,
est-il possible que l'île envisage de sortir du mythe et arrive à affronter la
réalité du monde moderne ?
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