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HISTOIRES CORSES                                                                                                                                                                NE NOUS RACONTONS PAS D'HISTOIRES

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Bibliographie

La petite île a-t-elle voulu donner des gages ? S'est-elle imaginé un Empire par
procuration ? Lors de l'occup', fut-elle exemplaire ? A-t-elle des leçons à donner ?

Résistance et question juive, voilà un département exemplaire !

 

La Corse pendant le second conflit mondial, c’est le second grand rendez-vous de cette mémoire ambiguë qu’est la conscience collective corse après celui du pacte de sang / dette de sang de la première guerre mondiale. Dans l’après-guerre, les hauts faits d’arme de la Résistance, ainsi que le titre de premier département français libéré, et libéré par ses propres moyens, sont portés haut par les insulaires tandis que l’irrédentisme était discrédité. Lorsque le nationalisme renaît dans les années soixante, il lui faudra là aussi reconquérir la mémoire corse jusqu’alors investie de sentiments pro-français. Le discours anti-colonial, on le verra, lui permettra de se donner une nouvelle virginité, mais le nationalisme ne pouvait rester absent de toute tentative d’interprétation de cette période de l’Histoire, sauf à accepter d’être assimilé à un simple héritier de l’irrédentisme, d’autant que, dans le même temps, il n’hésite pas à véhiculer des sentiments xénophobes en prônant la purification ethnique sur la base du droit du sang.

 

Pour résoudre cette équation, plusieurs approches vont être explorées et des discours ambigus vont être testés au sein de la presse et des manifestes, notamment sur l’Internet, avec parfois un certain succès en dehors de la sphère nationaliste ou corsiste. La première caractéristique de la Résistance corse à être mise en avant est qu’il s’agit essentiellement d’une Résistance contre un occupant, et une Résistance unanime. Que ceux qui veulent comprendre comprennent. Le FLN algérien, en son temps, avait également développé un discours sur le parallélisme Résistance française, occupant nazi, collaborateurs d’un côté, nationalistes algériens, occupant français, collaborateurs algériens de l’autre. Il suffit donc à nos nationalistes corses d’insister sur la résistance exemplaire des Corses entre 1940 et 1943, pour montrer la voie à tel point qu’on n’hésite plus aujourd’hui, même dans des écrits pas spécialement nationalistes [1], à évoquer la Résistance, y compris dans ses manifestations les plus mineures telles la manifestation des ménagères à Corte et Bastia en mars 1943, et les fêtes spontanées lors de la capitulation italienne le 8 septembre, comme participant de la construction de l’identité insulaire. Il n’était pourtant jamais venu à l’idée de personne de définir la résistance du Vercors comme participant d’une construction identitaire dauphinoise!

 

L’autre axe de reconstruction historique consiste à minorer ou à cacher l’engagement irrédentiste de certains, d’autant plus facilement que tous, nationalistes ou non, ont intérêt à maintenir l’image du département exemplaire, unanime et sans tache. Les nationalistes vont également être très discrets sur l’aspect pro-français des manifestations anti-italiennes de la Libération, en Corse. Enfin s’agissant de l’image d’un peuple sans tache pendant l’occupation, on va mettre en avant l’attitude des Corses vis-à-vis de la population juive.  Ce dernier aspect est, d’ailleurs, régulièrement ressorti pour colorer d’une justification historique la pratique de l’aqua in bocca (omertà).

 

Il devient urgent de répliquer à ces reconstructions historiques soit parce qu’elles constituent une récupération éhontée de comportements héroïques par les épigones idéologiques d’anciens tortionnaires fascistes soit parce qu’elles reposent sur des images forcées de la réalité, alors que là comme ailleurs les Corses eurent des comportements ordinaires, et qu’en ce qui concerne les héros, il n’y a pas de mesure de l’héroïsme, en ce qu’il est vain de mesurer le sang d’un Résistant à l’aune d’un autre [2].

 

Le département exemplaire

 

Voici le cas type du mythe ambigu : un département plus résistant que les autres, tôt libéré ce qui laisse penser pour ceux qui n’ont pas pris la peine de regarder plus avant, qu’il fut plus tôt en résistance. Or l’un ne découle pas de l’autre, mais plutôt d’un caractère stratégique plus affirmé (l’USS Corsica ! les américains considérant la Corse comme un porte-avion naturel), d’un maréchalisme qui fut déçu plus tôt qu’ailleurs, enfin d’un investissement politique du parti communiste sur l’ensemble des réseaux de l’île. Il est, à ce propos, significatif que le gaullisme ne fut pas leader dans la Résistance mais dut se résigner à laisser la main aux communistes du Front National.

 

Nous parlons donc d’un département qui se veut meilleur que les autres départements français et dont l’héroïsme constitue un écho de la tradition séculaire de résistance corse à l’oppression (suivez mon regard). Deux thèmes sont ainsi suggérés par la démarche de récupération d’un épisode de l’Histoire corse qui fut longtemps la chasse gardée de la mémoire républicaine de fidélité à la France. Le premier thème est celui de la tradition de résistance, dans laquelle tout corsiste peut identifier ce qui dans la résistance à l’occupation italienne correspond à l’expression d’une identité insulaire et non d’une identité française. Le courage d’un Jean Nicoli ou d’un Fred Scamaroni s’interprète comme une résistance à l’occupant fasciste, ce que c’est objectivement, mais en obscurcissant la composante républicaine. Ce second thème, celui de l’antifascisme permet aux nationalistes de se démarquer de l’irrédentisme en se construisant une filiation honorable auprès de héros qui ne recherchaient pourtant que la libération de la Corse et non sa séparation d’avec la France.

 

Ce département est également meilleur que les autres parce qu’il se serait mieux comporté vis-à-vis des Juifs. Le courage indéniable des habitants de la haute vallée d’Asco vient à l’appui de cette prétention. L’enjeu peut paraître anodin ; en réalité, il vise à donner un brevet d’anti-racisme à une population insulaire auprès de laquelle on ne cesse de promouvoir une vision ethniciste du peuple corse. Il ne s’agit ici ni d’une démarche fortuite, encore moins anecdotique, mais tout simplement d’une tactique éprouvée consistant à se prévaloir d’un passé exemplaire pour mieux avoir les coudées franches aujourd’hui. Ces coudées franches, les fonctionnaires continentaux, parfois les conjoints de Corses et plus sûrement encore les maghrébins installées dans l’île, en font les frais.

 La xénophobie anti-maghrébine pour ne pas parler de racisme que certains Corses manifestent fait une réputation sulfureuse à la Corse depuis plusieurs années. Et les Gli Arabi Fora suivent de près les inscriptions IFF (i francesi fora). La banalisation de l’expression ethniciste du discours nationaliste et la disparition des repères qu’elle entraîne fait perdre à certains insulaires toute mesure. Les chiffres de 2004 du Parquet général de Bastia ainsi que les chiffres de la Gendarmerie vont dans le même sens en constatant 48 atteintes xénophobes[3], dont certains sont imputables à un groupe se présentant comme nationaliste en proposant un discours assez décousu concernant la lutte contre la drogue et contre l’immigration. Regrettons enfin qu’après une période d’occultation valorisant à l’inverse la notion de communauté de destin, le discours sur la colonisation de peuplement, la disparition du peuple corse et son corollaire, la reconquête de la terre corse (a tarra nostra) sonnent comme un retour de l’idéologie de purification. Au-delà de la sphère nationaliste, il ne faut souvent pas très longtemps avant de connaître le véritable sentiment des Corses vis-à-vis des communautés perçues comme allogènes. Aussi, peut-on s’autoriser certaines interrogations sur l’exemplarité et la promptitude de l’entrée en Résistance de la Corse telles qu’elles nous sont vantées comme autant de brevet de fidélité à la République, d’un côté, ou de garantie d’anti-fascisme, de l’autre.

 

Le premier élan, celui du maréchalisme, là comme sur le continent

 

La capitulation des armées françaises le 18 juin 1940 se traduit en Corse par l’application de l’armistice franco-italien dès le 25 juin. Cet armistice laisse l’administration civile au régime de Vichy mais donne la possibilité à l’armée italienne de prendre le contrôle des ports, des industries et lui confie l’administration directe des ressortissants italiens résidant dans l’île. Les apparences sont donc sauves. La crainte du rattachement de l’île à l’Italie est contrebalancée par la relative habileté du nouveau régime qui va tenir à peu près ferme sur les conditions d’application de l’armistice jusqu’à l’hiver 1941, moment à partir duquel les pressions vont devenir de plus en plus fortes. Par voie de conséquence, le régime de Vichy va acquérir une bonne réputation dans l’île, provoquant un net ralliement à la personne du Maréchal. Les premiers signes de résistance sont eux aussi précoces mais il s’agit alors d’une résistance militaire et anti-italienne dans son essence. Les premiers tracts appellent à lutter contre l’envahisseur italien mais sans appeler à une résistance anti-vichyste et l’appel du Général de Gaulle n’est pas plus entendu ici qu’ailleurs. Vichy sait utiliser son image de « résistant » aux prétentions italiennes pour se faire une clientèle en Corse, aussi assiste-t-on à l’élaboration d’une curieuse équation, où le meilleur moyen de prouver son attachement à la république et à la France est précisément de soutenir le régime du Maréchal Pétain. Ce n’est que lorsque Vichy ne pourra plus résister aux demandes pressantes des autorités italiennes, et que celles-ci vont pouvoir se comporter en territoire conquis sans que les autorités civiles (préfet et sous-préfets) ne puissent rien faire, que les Corses migreront vers une attitude de résistance au sens où on l’entend sur le continent.

 

En attendant, les élites corses se sont ralliées et peuplent les plus hautes sphères de l’Etat Français, malgré l’attitude lucide de certains comme Paul Giacobbi, sénateur radical socialiste, l’un des 80 parlementaires à avoir refusé les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain. Dès juillet 1940, son vieil ennemi François Pietri est ministre de la Communication. Les autres parlementaires se rallient au régime. N’hésitons pas à le rappeler, la Corse a été majoritairement maréchaliste, confère le vote des députés insulaires lors des pleins pouvoirs au Maréchal Pétain. Si François Pietri, chef du clan de droite, a soutenu la coopération avec « l'intelligence allemande », d'autres Corses, se sont compromis de façon plus intense et parfois criminelle avec le fascisme, ainsi un Simon Sabiani qui appartenaient au PPF de Jacques Doriot, ou bien le gendre de François Pietri, Horace de Carbuccia, patron du journal extrémiste « Gringoire », ou le préfet Chiappe et le parfumeur Coti. Ce côté obscur de la Corse œuvre, il est vrai, souvent hors de l’île, mais les relais issus de l’ultra-catholicisme dans les villes du Delà (essentiellement Porto-Vecchio et Ajaccio), sont sensibles aux campagnes antisémites. La quasi-absence de Juifs en Corse n’est nullement un empêchement, le prurit antisémite ne nécessitant qu’un faible terreau (voyez, pour l’anecdote, la naissance d’un prurit antisémite au… Japon, dans les années 1980).

 

Plus significatif encore est le succès considérable de la Légion Française des Combattants. Cette association d'anciens combattants est créée le 29 août 1940 par Xavier Vallat et devenue en 1941 « Légion française des combattants et des volontaires de la Révolution nationale », elle vit son champ d’action considérablement élargi pour encadrer la population tout entière bien au-delà de la clientèle des anciens combattants pour devenir le seul vrai mouvement de masse du régime ayant pour objectif la mobilisation de l’opinion en faveur de Vichy. En Corse comme ailleurs, elle participa à la sélection des maires des villes en fonction de leur fidélité supposée à la Révolution nationale. De cette Légion sont issus le Service d’Ordre Légionnaire et surtout la Milice. Dès janvier 1941, la LFC compte 7500 adhérents en Corse pour atteindre un pic de 18000 adhérents en avril de l’année suivante soit 12 % de la population insulaire, à comparer aux 1500000 au niveau national (11%)[4]. En clair, la Corse a mobilisé ses sentiments maréchalistes à une hauteur comparable à celle du reste de la France.

 

Le travail de la Légion porte ses fruits avec la mise au pas des élites et les opérations de sélection des élus et des maires par le moyen des listes de recommandation ou d’éviction que la Légion envoie à la Préfecture. Le Conseil Général de la Corse est dissous dès le mois d’août 1940 et Camille de Rocca Serra est nommé président de la Commission Administrative départementale de la Corse. Le maire de Bastia est destitué ainsi que celui de Calvi ; seul parmi les maires des principales villes, celui d’Ajaccio conserve son fauteuil. Après un mouvement préfectoral rapide, la Corse est ainsi parfaitement sous contrôle dans l’indifférence des habitants, qui, répétons-le, perçoivent alors le régime de Vichy comme le seul rempart efficace contre une annexion par l’Italie.

 

L’irrédentisme caché

 

Dans le cadre de l’accord d’armistice, l’armée italienne assure la garde des côtes corses et s’installent dans les principales villes. Si les forces italiennes laissent l’administration civile française en place, elles déploient un effort de propagande intense sur la base des éléments travaillés par les Corses irrédentistes réfugiés dans la botte depuis quelques années, et notamment ceux du groupe des étudiants corses à Pise. Les moyens de propagande sont nombreux et fortement incitatifs, en particulier, l’offre de soins médicaux gratuits pour les insulaires, le rachat de produits de l’île à prix élevés pour améliorer les bénéfices des commerces et de l’industrie, enfin, un développement important de la presse et des opuscules favorables au rattachement de l’île. Le taux d’occupation est considérable, avec 85000 hommes pour une île de 150000 habitants seulement, permettant ainsi un maillage très serré du territoire.

 

Sans doute la plupart des Corses ne cultivaient-ils pas de sentiments irrédentistes si l’on en croit les protestations de fidélité à la France réitérées depuis des années sans oublier le fameux serment du 4 décembre 1938 fait devant le monument aux morts de Bastia en présence d’une foule compacte proclamant que « Face au monde, de toute notre âme, sur nos gloires, sur nos tombes, sur nos berceaux, nous jurons de vivre et de mourir Français ». Néanmoins il est faux de prétendre que l’irrédentisme était inexistant ni même qu’il était insignifiant. Parmi les intellectuels, l’audience du muvrisme n’était nullement confidentielle malgré un tirage de la revue en chute libre et le parti corse d’action a pu peser parfois avec succès sur la participation aux scrutins.

 

Enfin les textes irrédentistes italiens comme « Le terre nostre ritornano », ou corse comme Corsica Nostra de Petru Giovacchini n'hésitent ainsi pas à mettre en avant le passé commun supposé prospère, en taisant tout ce qui a pu opposer les Corses aux républiques génoise, voire pisane, et en soulignant les lacunes –réelles– de l’Etat français avant-guerre.

 

Ainsi l’irrédentisme proprement dit semble s’être implanté aux deux extrémités de l’échelle intellectuelle et sociale, d’un côté des journalistes des publications irrédentistes ou des écrivains (voir le chapitre sur le muvrisme), de l’autre quelques collaborateurs des basses œuvres et dénonciateurs.

 

La lente entrée en Résistance

 

Jusqu’en fin 1942, les commissions italiennes de l’armistice vont pousser leur avantage en mordant toujours un peu plus sur les prérogatives françaises. Avec l’occupation de la zone « nono »[5] par les troupes allemandes en novembre 1942, les Italiens déclenchent l’opération C2 de contrôle total de la Corse, comprenant l’occupation effective des villes et des ports. Par ailleurs, les mesures libérales tournent vite court. Après quelques mois de propagande, le naturel d’une armée d’occupation revient au galop, avec appauvrissement de la population, pillages des récoltes et de la nourriture. Cette nouvelle donne fait basculer la population vers la résistance. Jusqu’alors, deux ans et demi après l’appel du 18 juin, la Résistance était toujours inexistante. Elle va commencer à se former lentement, et essentiellement derrière les communistes sous la bannière du Front national. Si dès novembre 1940, les Jeunesses Communistes de Bastia lancent les premiers tracts anti-gouvernementaux, c’est en mai 1941 que commence la lente mobilisation des cadres du Parti, avec la fondation du Front National, autour des principales personnalités communistes de l’île, François Vittori, Raoul Benigni, Etienne Micheli et Arthur Giovoni. D’autres organisations émergent sans avoir la même assise que le Front National, et moins expérimentées dans une situation de clandestinité, elles sont plus rudement touchées par la police fasciste, l’OVRA (Organizzazione di Vigilanza Repressione dell'Antifascismo), renseignée par les irrédentistes corses et les pétainistes ultras. Cette résistance militaire ou politico-militaire dans le cas du FN, se conjugue avec une résistance de fait, plus traditionnelle, qui puise sa source dans les solidarités de clans ou les solidarités villageoises, fortement anti-italienne et à forte manifestation sociale (ainsi les manifestations de ménagères de Corte et Bastia en mars 1943 contre le mauvais ravitaillement). Enfin, en Corse comme sur le Continent, les maquis de résistance sont alimentés par les réfractaires au STO. Le Front National se met en position de capter autant le mécontentement social que l’anti-irrédentisme, en se prévalant des grandes figures identitaires comme Paoli ou Sampiero Corso, et en fédérant les engagements de chacun.

 

Depuis juin 1941, des contacts sont établis avec les différents réseaux pour les unifier. Dans un contexte de rivalité avec le Général de Gaulle, dès le mois de décembre 1942, le général Giraud, co-président du Comité français de libération nationale envoie une mission, à bord du sous-marin Casabianca, avec pour objectif de créer un réseau de Résistance. Fred Scamaroni est envoyé à son tour par le général de Gaulle en janvier 1943 pour tenter l'unification de la Résistance. La démarche, pourtant mieux engagée que celle de Giraud puisqu’elle prend en compte le fait du Front National, tourne court en raison de l’arrestation par l’OVRA de Scamaroni qui, torturé, se suicide pour ne pas parler, le 19 mars 1943. Son réseau démantelé, Giraud envoie, le 4 avril 1943, Paul Colonna d'Istria pour reprendre le programme de fédération des mouvements de résistance mais aussi pour mettre en œuvre la logistique nécessaire au débarquement comme la  recherche de terrains de parachutage et la définition des objectifs militaires tactiques au jour "J". Cette mission se heurte à l’intransigeance du Front National qui se présente comme l’unique interlocuteur de la France Libre, et exclut certains autres mouvements des négociations. Colonna d’Istria n’a d’autre choix que de reconnaître et soutenir le Front en lui faisant envoyer depuis Alger le matériel militaire nécessaire par parachutage. Si l’initiative du débarquement allié n’appartient pas à la Résistance corse, en revanche, début août, le Parti communiste décide que l’annonce de la capitulation italienne, que tous tiennent pour imminente, doit être le déclencheur de l’insurrection générale.

 

Le coup de force de la Résistance corse communiste

 

Le Front National, grossi de l’ensemble des réseaux de Résistance en application des résultats des négociations Colonna-FN, déclenche le jour dit l'insurrection. Loin d’être une action absurde, si elle demeurait risquée, elle était inévitable, car l’armistice italien devait logiquement conduire les troupes italiennes, hormis les Chemises Noires, à capituler, mais pouvait tout aussi bien conduire les Allemands à se substituer très rapidement à leurs anciens alliés, en exerçant une répression particulièrement brutale, de nature à mettre la résistance à genoux.

En d’autres termes, à trop attendre, les résistants peuvent se trouver face à une armée disciplinée et redoutable, et donc à transformer la Corse en une forteresse nazie barrant la route aux forces alliées et notamment à l’aviation américaine souhaitant bombarder le front allemand dans la botte italienne.

 

Le 8 septembre, Giovoni après sa rencontre à Alger avec le général Giraud qui lui promet de 1’aide, informe le Front National qui déclenche l’insurrection le soir même. Le soulèvement d’Ajaccio du 9 septembre est un succès, les Allemands stationnés à la Parata sont arrêtés à l'entrée de la ville, le 10 septembre, et refoulés vers la mer, où ils s’embarquent. Ainsi, le port d'Ajaccio est prêt à servir de tête de pont pour le débarquement attendu. Les autorités d’Alger sont « bousculées » par la rapidité de la réaction des résistants corses et Giraud prend la décision d'envoyer en Corse le 1er corps d’armée. Malgré tout, les problèmes logistiques sont énormes, et la précocité de l’insurrection gêne le commandement interallié qui refuse de détourner une partie des moyens engagés à Salerne pour un débarquement en Corse. Aussi, les Français vont-ils littéralement entasser les troupes du 1er corps dans deux sous-marins, dont le fameux Casabianca, deux contre-torpilleurs et deux torpilleurs. De même une escadrille de chasse alliée va-t-elle pouvoir atterrir sur le terrain de Campo dell’Oro. Les hommes du 1er bataillon de choc sont rejoints à Ajaccio par le 1er régiment de tirailleurs marocains, par des spahis, et des goumiers, groupant 6000 hommes de troupe. Ils disposent d’un armement assez conséquent (400 tonnes d’armes) ainsi que des éléments de l’artillerie et du génie. Dans le même temps, la résistance commence à contrôler les points de passage entre le Deçà et le Delà, empêchant les Allemands de progresser vers l’Est, et les contraignant à ne pouvoir contrôler réellement que le littoral occidental.

 

Une Corse libérée par les Italiens ?

 

A l’annonce de l’armistice, le Maréchal Badoglio avait fait parvenir l'ordre de ralliement aux forces alliées, cet ordre s’appliquant bien évidemment en Sardaigne et en Corse comme dans la Péninsule. En fonction de la capacité des armées italiennes à l’appliquer effectivement, c’est-à-dire sans s’engager dans des affrontements incertains contre les unités allemandes, l’ordre fut diversement interprété. Ainsi, en Sardaigne le Generale Basso passe-t-il un accord avec le commandement allemand pour l’évacuation des 20 000 hommes de troupe de l'île. Il ne se décide à appliquer l’ordre de renversement d’alliance qu’avec retard, le 17 septembre, c’est-à-dire une fois que la quasi-intégralité des forces allemandes stationnées en Sardaigne sont passées en Corse, pour se donner une victoire facile face aux 500 derniers soldats allemands retardataires. Ce comportement peu glorieux  avait permis aux Italiens de préserver leurs forces d'un combat qui aurait pu tourner à leur désavantage dans le cas d'une attaque frontale avec le gros de la Division de Panzers. C’est un peu le même scénario qui faillit se dérouler en Corse. En effet, les 14000 Allemands de la division Reichführer en place et le cheminement de la Division de Panzers venant de Sardaigne posaient un problème difficile au Generale Magli qui était, par ailleurs confronté à la montée en puissance des troupes du maquis, lesquelles pouvaient être renforcées d’un moment à l’autre par le département de troupes alliées, soit potentiellement 18000 hommes.

 

Face aux deux ultimatums reçus le 8 septembre, celui du commandement allemand qui exige le désarmement des forces italiennes, et celui de Paul Colonna d'Istria qui réclame une prise de position sans équivoque du commandement italien, le Generale Magli commandant les forces régulières italiennes en Corse finit par opter pour celui provenant de la résistance corse, avec certains atermoiements. Prudemment, il passe un accord avec la résistance locale, le 10 septembre, sur la base d’un engagement total contre les troupes allemandes après avoir passé un accord de principe, deux jours auparavant, avec le General Von Senger en lui promettant de faciliter le transfert des troupes allemandes de Sardaigne, et en le berçant de promesses sur sa volonté de mater la rébellion. A la différence du commandement italien de Sardaigne, l’attentisme des forces italiennes ne fut pas total, et, dès le 18 septembre, soit huit jours après l’accord passé avec la résistance corse et la confirmation du débarquement réussi des Français à Ajaccio, le Generale Magli passait à l'offensive contre les Allemands.

 

Pendant toute cette période, la situation est extrêmement confuse et les commandants des troupes italiennes restent sans consigne claire. La tension avec les Allemands augmente avec des premiers incidents graves qui éclatent autour du port de Bastia.

La DCALLa DCA italienne tire sur des avions allemands, un navire italien est attaqué et incendié. Le 9 septembre, plusieurs navires allemands sont pilonnés par les positions italiennes. Le même jour, résistants corses et soldats italiens s'emparent de la citadelle, de la gare et des principales voies de communication. Les Italiens s’engagent dans des escarmouches à Sartène et à Folleli, le 10, à Bastia de nouveau le 11. Les Allemands ont renoncé à une occupation totale de la Corse, mais ils peuvent vouloir élargir le contrôle de la plaine orientale qui leur sert à l’évacuation des troupes pour un embarquement par Bastia ou par les aérodromes de Borgo et de Ghisonaccia.

 Le commandement français pose, le 17 septembre, les conditions de la coopération franco-italienne ; l'accord, conclu le 21 septembre, prévoit une action dans le sud de l'île et une attaque convergente sur Bastia.  Les Italiens marchent sur Sartène, tandis que d’autres prennent position pour empêcher une éventuelle percée allemande vers Corte, siège du PC du Generale Magli. Les Allemands reprennent possession de l’aérodrome de Borgo et du Port de Bastia, la division Friuli ayant été défaite (nombreux morts et blessés italiens, 2000 prisonniers). Dans le secteur de Levie, les Italiens essaient de bloquer le tunnel de Bassino et le col d’Ava, mais doivent évacuer les villages en attendant que le 1er Choc français rétablisse la situation. Un bataillon italien essaie de couper la route de Corte mais doit reculer en laissant 161 hommes. La division Friuli participe aux combats du col de Teghime à la fin du mois. A compter du 26, l’étau se resserre autour de Bastia, les Allemands, convaincus du coût excessif d’une contre-offensive vers l’Ouest, consacrent leurs efforts à l’évacuation la plus rapide possible.

Après une série de bombardements de Bastia par la Royal Air Force et l’US Air Force, le 13 et le 21 septembre, les résistants corses et les troupes régulières françaises progressent par le sud et les tabors, spahis, goumiers et troupes italiennes progressent par l'ouest, avec l’aide des résistants du Cortenais et de la Balagne. Les Allemands cherchent à protéger leur retraite en se repliant sur 1e port de Bastia aussi la libération du port est-elle obtenue après d’âpres combats.

 

Tableau des pertes (9 septembre – 4 octobre)

 

Italiens

FFL et troupes d’Afrique

Corses

Tués

637

75

170

Blessés

557

239

3130

 

Ainsi, l'opération d'intervention « Vésuve » décidée en hâte à Alger pour prêter main forte au déclenchement de l’insurrection réussit grâce à une coopération au final assez satisfaisante entre des éléments aussi hétérogènes que les partisans corses, les troupes de l'armée d'Afrique et les troupes italiennes. Les Allemands se retirent de Corse en subissant la destruction d'une centaine de chars, de 600 pièces d'artillerie et de 5 000 véhicules divers. Je laisse au lecteur le soin de tirer tous les enseignements du tableau des pertes qui montre que la Corse ne s’est pas vraiment libérée da sé et si l’appui italien ne fut pas à lui seul décisif, loin d’être anecdotique il me semble plutôt symptomatique des conditions particulières à l’île de Corse.

 

Après le débarquement en Afrique du Nord et la libération de la Corse par les résistants insulaires, des troupes de l'Armée d'Afrique, un bataillon de choc français, et des éléments italiens ralliés, l’île devait servir de base en vue de bombardements du front allemand en Italie, mais aussi vers la Provence, l'Autriche, ou l'Allemagne. Elle devînt ainsi un porte-avions naturel, avec, entre autres, les bases de Solenzara, Ghisonaccia, Serragia et Alesani, ce qui lui a valu le surnom de U.S.S. Corsica, à la manière des bâtiments de l'US Navy. Dès le départ des troupes allemandes acquis, les troupes alliées utilisèrent les pistes d'aviation existantes, les réparèrent et en construisirent de nouvelles : au total, pas moins de dix-sept camps d’aviation qui virent transiter des centaines de milliers de soldats, pour l’essentiel, américains. Cette situation stratégique de l'île au cœur  de la Méditerranée occidentale l’a sans doute sauvée, car si l’appui fut donné par les troupes de la France Libre, de l’armée d’Afrique et des Italiens, l’armement ne fut pas compté, en raison de l’intérêt stratégique que revêtait le contrôle de l’île.

 

La question juive

 

On se représente la persécution des juifs en Corse à l’aune de celle prévalant dans les territoires occupés par les nazis. L’enjeu est de taille car il s’agit de dire trois choses : les Corses furent les plus exemplaires, les Corses cachèrent des Juifs chez eux, dans leur maison à la manière dont Anne Frank fut cachée, les Corses savent donc résister à l’occupant quelle que soit sa vindicte. L’allusion est d’autant plus vaniteuse et scandaleuse qu’elle est utilisée à tout propos et hors de propos, ainsi à l’occasion de la non dénonciation de l’assassin présumé du préfet Erignac, feignant de croire que la situation de cet assassin présumé est comparable à celle d’un Juif persécuté parce que juif, assimilant de fait la police et la gendarmerie à une Gestapo française. Sans souligner plus avant combien cette attitude idéologique revient à nier de fait la spécificité du nazisme (et de la Shoah), puisque selon les propagateurs de ce type de réflexion auprès d’une jeunesse souvent peu au fait des réalités historiques, tout se vaut, donnons-nous la peine de regarder de plus près la pertinence de la référence à la question juive dans le contexte corse. En d’autres termes, quelle fut la relation de la Corse à l’accueil des Juifs, combien de Juifs demeuraient en Corse, pourquoi certains ont-ils rejoint la Corse pendant l’occupation de celle-ci par les Armées italiennes, quels risques couraient-ils vraiment, qui les a sauvé dans les faits ?

 Premier point, les Corses n’auraient pas été seulement accueillant, ils ont invité les Juifs à s’installer parmi eux. Sans accorder plus d’attention que nécessaire aux  signes d’une immigration juive ancienne, d’ailleurs éparse, ponctuelle et liée aux persécutions notamment celles du XVIè siècle à Naples, et pour lesquels les traces restent parcellaires, il est vrai qu’après le roi Théodore, Pascal Paoli a cherché à favoriser la venue d’artisans et commerçants juifs, en provenance de l’Italie du Nord et de Livourne pour aider au développement du jeune Etat qu’il essayait de créer et sans doute aussi afin de « casser » les liens de clientèle habituels par une ouverture sur des réseaux de solidarité allant au-delà de l’île. Il est patent que du côté nationaliste on s’essaie à des chiffrages flatteurs : furent-ils 5000 ou 10000 ? on ne sait, comme on ne sait par quels moyens ils purent débarquer ; étaient-ils tassés à fond de cale ou des flottilles entières n’arrêtaient-elles donc jamais de faire le va-et-vient entre les ports italiens (lesquels d’ailleurs ?) et les ports corses (lesquels ? et les Génois n’ont-ils rien vu ?). Qu’importe l’essentiel est ailleurs, il s’agit de montrer une forte capacité des Corses à accueillir, et à assimiler puisque les mêmes nous annoncent 25 % de Corses d’origine juive, chiffre invérifiable[6] et certainement nullement prouvé quant à son ampleur par la seule analyse des noms de famille. Peu importe sans doute aux yeux de nos Nouveaux Résistants , la démarche n’est qu’un mémoire en défense, il s’agit de faire pièce aux accusations de xénophobie. Il est en tout cas certain que les Juifs furent très rapidement assimilés (ou peut-être sont-ils partis ?) puisque le recensement du milieu du XIXè siècle ne donne plus que 4 individus juifs[7] en tout et pour tout ! Regardons plus près de nous, au siècle dernier, qu’en était-il ? Pendant l’occupation de la Corse, 150 juifs ont probablement résidé en Corse sans y avoir aucune racine pour la plupart, notamment des Juifs en poste dans la fonction publique qui furent d’ailleurs révoqués. Le Conseil Représentatif des Institutions Juives de France (CRIF) avait, un temps, répertorié dans son site internet deux cents co-religionnaires en 2005, essentiellement à Bastia (une trentaine de familles selon un autre source[8]). Mais en l’occurrence il s’agit d’individus rapatriés d’Algérie. Aussi, de quels Juifs parle-t-on lorsqu’on évoque l’attitude exemplaire des Corses à leur endroit aux heures sombres de l’Occupation ?

 Second point, en effet, pourquoi les Juifs se sont-ils retrouvés plus nettement nombreux pendant la période de l’Occupation qu’avant ? Rappelons les faits. En juillet 1942, les Juifs de France sont déportés, à l’exception de la zone sud, les Allemands n'y étant pas encore présents. A compter de l’invasion de la zone Sud, la pression à la déportation se fait directe mais dans les départements occupés par les Italiens peu de campagnes anti-sémites sont lancées, l’Armée italienne et jusqu’à un certain point les unités fascistes étant peu enthousiastes à suivre sur ce terrain leur encombrant allié. C’est si vrai que les filières utilisées par les Juifs pour fuir les persécutions avaient souvent pour destination l’Italie ou les zones contrôlées par elle. Ainsi, les quelques 150 individus juifs recensés en 1942 en Corse ne furent nullement inquiétés jusqu’à la chute de Mussolini, malgré quelques vexations de la part de militants du PPF. En revanche, dès avant l’avènement du gouvernement Badoglio en septembre 1943, les Allemands investissent le territoire italien et les nazis commencent à organiser les premiers convois de déportés[9].

 

En Corse, c’est à compter d’août 1943 que les SS entreprennent de regrouper les Juifs avec l’aide du nouveau préfet jugé plus sûr que son prédécesseur. Mais, là aussi, soyons honnête, la Corse a tremblé pour ses Juifs pendant…cinq semaines, jusqu’au soulèvement général.  Cela n’est nullement comparable à la traque qui s’était exercée en zone occupée, ni même en zone sud à compter de novembre 1942 (les derniers convois partiront de Drancy le 17 août 1944). La priorité allemande devient le regroupement des unités militaires après l’ordre d’évacuation de la Sardaigne et de la Corse donné par Hitler le 12 septembre, l’évacuation totale par les troupes allemandes étant effective le 4 octobre. Le quadrillage de la population s’est donc limitée à une durée d’un gros mois ce qui ne constitue pas une contrainte capable d’émouvoir un alsacien, par exemple ! Pendant ces quelques semaines difficiles, et à l’inverse de ce qui se répète ici ou là sans vérification, les Juifs ne furent pas tous sauvés puisque 70 sont néanmoins regroupés et déportés.

 

S’il est exact que des Juifs furent cachés par des Corses, il serait naïf d’imaginer l’ensemble de la population corse cachant l’ensemble de la population juive. Dans cette action, les quelques Corses impliqués ne furent pas seuls ; citons l’action remarquable du sous-préfet de Sartène, nommé pourtant par Vichy, Pierre Joseph Jean-Jacques Ravail qui a œuvré en faveur d’une bonne partie des Juifs épargnés. Citons aussi un événement soigneusement tu : qui a regroupé ces Juifs dans les vallées de l’Asco ? Vous ne devinez pas ? Les soldats italiens ! Ainsi, les quelques dizaines d’individus qui furent soustraits à la déportation demandée par les Chemises Noires (environ 80 personnes venant de Bastia) bénéficièrent d’une forme de coopération italo-corse. En effet, les Juifs regroupés par les autorités françaises avant la reprise en main par les SS, furent confiés aux Italiens, lesquels relâchèrent les femmes et les enfants, et se contentèrent d’assigner à résidence les chefs de famille à l'école communale d'Asco. Ils y furent nourris et, par la suite, l’évasion d’une grande partie fut organisée avec la complicité des Italiens.

 

Prétendre comme le font la plupart des Corses, nationalistes ou non, qu’aucun Juif ne fut déporté parce que les Corses les ont cachés c’est se draper d’un héroïsme qui fut largement partagé par d’autres, s’agissant d’une population très réduite et donc moins visible[10], et qui ne fut pas aussi complet qu’on se plaît à l’imaginer puisque quelques dizaines d’individus, comme on l’a vu, n’échappèrent pas à leur sort funeste. Le tout se joue dans un espace difficile, montagneux, au sein d’une population très encadrée mais par des soldats peu pénétrés d’antisémitisme et où les nazis sont absents hormis la période des cinq semaines précédant la reddition italienne. Rien de comparable avec une région comme l’Alsace, très dense, où la communauté juive est si visible qu’elle en est constitutive de l’identité alsacienne, et où le parti nazi quadrillait la population au plus près des habitants par le moyen de ses chefs de blok[11].

 

Attention aux tentatives de hold-up historique !

 

Les discours corsistes ne sont jamais innocents, on l’a vu tout au long de cet ouvrage ; ils font flèche de tout bois parfois jusqu’au ridicule, comme les références aux Juifs Egyptiens qui seraient venus trouver refuge au IXè siècle pour montrer l’ancienneté de l’attitude des Corses (en oubliant que ces Corses, quant l’événement serait avéré[12], n’ont pas grand’chose à voir avec les Corses d’aujourd’hui, les divers courant migratoires faisant définitivement litière d’une quelconque ethnie corse intangible).

 

La pratique de l’amalgame et de l’approximation est également répandue, les chiffres sont indiqués sans mention des sources, encore moins leur critique, les intentions des acteurs du passé sont lues à la lumière de ce qu’on veut démontrer au présent. Les faits contredisant le courage solitaire et fier (ombrageux ?) des insulaires sont opportunément oubliés comme le rôle des Italiens dans la libération de la Corse (après tout, ils ont perdu plus d’hommes que la résistance corse !) ou bien  encore le maréchalisme foncier des insulaires en 1940, qui est au diapason de celui du Continent.

 

Alors que reste-t-il de l’exemplarité corse ? Ceci : la Corse se souleva unanimement et fut le premier département métropolitain libéré. Mais tout département présentant les caractéristiques suivantes aurait été tout autant exemplaire : être une île, bien placée entre l’Afrique du Nord et l’arrière du front italien dans la Botte, être occupée par les Italiens et non par les Allemands.




[1] Atlas ethno-historique de la Corse, page 199.

[2] La décapitation d’un Jean Nicoli vaut-elle vraiment plus que celle d’une Sophie Scholl ?

[3] Comité interministériel de lutte contre le racisme et l’antisémitisme du 18 janvier 2005 - Bilan de l’action judiciaire.

[4] Sur la base de 150000 habitants (révision Kolodny in Atlas op. cit.) et 14 millions en France métropolitaine non occupée dont Corse. Le chiffre des cotisants de la LFC est tiré de l’étude de Jean-Paul Cointet, « la LFC vers le parti unique – Vichy 1940/1944 », Paris, Ed. H. Veyrier, 1991.

[5] Zone non-occupée par l’armée allemande et soumise à l’autorité de Vichy, zone dite « libre » ou « nono » dans l’argot de l’occup’ ; la Corse en fait partie tout en subissant un partage de l’autorité de l’Etat avec les autorités militaires italiennes. Cette zone « libre » fut envahie par les troupes nazies à la suite du débarquement américain en Afrique du Nord pour couvrir le flanc méditerranéen de l’Axe.

[6] Le coefficient multiplicateur de l’arbre généalogique est ici utilisé abusivement sauf à considérer qu’un ancêtre juif agit comme un marqueur indélébile autorisant toutes les extrapolations sur le caractère plus ou moins juif d’une population. Cela relève d’une démarche qui pour généreuse qu’aient été ses motifs (démontrer l’ouverture du peuple corse) reste potentiellement dangereuse.

[7] Atlas France illustrée Malte-Lebrun, Paris, Ed. Jules Rouff, 1881 chiffres antérieurs au recensement de 1876; il s’agit des derniers recensement où l’origine religieuse est mentionnée.

[8] Site internet Corse-Israël. Les plus de 700 Juifs expulsés de Palestine (région de Tibériade) entre 1915 et 1920 ont quitté l’île pour la plupart ne laissant que deux petites communautés à Bastia et Ajaccio

[9] 8000 Juifs italiens, soit près de 20 % de la population juive du pays, déportés ou disparus dans des massacres tel celui, en mars 1944, des Fosses Ardeatines à Rome (75 Juifs parmi les 335 victimes) - voir mémorial de la shoah-musée et centre de documentation juive contemporaine

 [10] Si peu visible que la Préfecture lors du recensement des Juifs en vue de l’application des premières mesures discriminatoires, et au vu des conditions prévues par le décret de 1941, n’identifiait qu’un seul individu pouvant être réellement concerné ! Avec l’arrivée des Italiens, eux-mêmes incités par leur encombrant allié, le recensement fut plus systématique.

[11] les chefs de blok (blokleiter) constituent le premier niveau de la hiérarchie opérationnelle du parti nazi. Ils rapportent aux Zellenleiteren qui sont animés par les Ortsgruppenleiteren, sous les ordres des kreisleiteren (chefs de district, ayant pouvoir sur un arrondissement, au sein d’un Gau) ; les blockleiteren ont pouvoir d’entrer dans les logements pour vérifier l’absence de livres séditieux ou français et recommander la présence de Mein Kampf. En d’autres termes un contrôle à la fois policier et idéologique.

[12] Et il ne l’est pas. Voici un bel exemple d’un phénomène bien connu des exégètes et des linguistes, celui de la rétroprojection.

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C’est une histoire de mythes et d’identité : la question corse qui fait souvent l’actualité
a tordu la mémoire des faits. Le tout grâce à la
réécriture de l’Histoire de l’île et à la mythologisation de la langue


Allons plus loin déshabillons le paon pour découvrir le poulet qui est dessous. La Corse fut-elle le phare des Lumières ? Y-a-t-il eu une Corse vraiment indépendante et que voulaient les Corses sous Paoli ?


La Corse s’est ralliée. A-t-elle combattu ? La Corse eut-elle un comportement si différent des autres provinces de la République française ? Le ralliement fut-il facile ? A-t-elle cru se découvrir un destin ?


La petite île a-t-elle voulu donner des gages ? S'est-elle imaginé un Empire par
procuration ? Lors de l'occup', fut-elle exemplaire ? A-t-elle des leçons à donner ?

Une fois l’Empire colonial effondré, que devient la petite île ? Veut-elle s’en retourner à son passé glorieux mais confisqué et veut-elle enfler ses mythes pour les vendre à l'encan ?


Les mythes se portent bien, ils se sont même diffusés partout. Faut-il en rester là et faire du chantage à la Dette ? Ou bien, au contraire, est-il possible que l'île envisage de sortir du mythe et arrive à affronter la réalité du monde moderne ?


Pour approfondir un peu...

Mystères de la démographie

Combien de corsophones ?

Cartographie des révoltes

La taxation des échanges

La question des pertes de la guerre de 14-18

Un sort différent fait aux Corses pendant la Der des Der ?

La question foncière

Quelques sources

La convention de Philadelphie | quelques données sur les îles | la question sarde | le tableau des expatriations nettes | la constitution de 1735 | alphabétisation des conscrits 1878 | mobilisables 1911/-1921 |

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pour les pressés !!

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