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La
Corse s’est ralliée. A-t-elle combattu ? La Corse
eut-elle un comportement
si différent des autres provinces de la
République française ? Le
ralliement fut-il facile ? A-t-elle cru se découvrir un
destin ?
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Conquête
coloniale,
vraiment ?
Allons soyons honnête, la conquête
fut douloureuse, plus pour les Corses que pour les Français
malgré les premiers
revers de ces derniers et malgré ce qu’en peut
dire aujourd’hui, contre
l’évidence des chiffres, telle ou telle figure
politique de premier plan.
Mais
Ponte-Novo fut-il le point
final de la résistance des Corses, fut-il ce massacre
épouvantable où plus de
4000 héros de la nation corse
périrent (4324 morts selon certaines
sources) ? L’occupation française se
traduisit-elle par un véritable génocide
(n’ayons pas peur des mots ni du ridicule), ou, à
tout le moins, cette
opération fut-elle un lieu de douleur où
s’affrontent pour l’éternité
des
mémoires rivales ?
L’enjeu
et la dimension militaire de Ponte-Novo
Par le traité de Versailles du 15 mai
1768, Gênes a cédé la
souveraineté de
la Corse à la France pour dix ans en gage d'une dette
annuelle. Néanmoins, il
fallut s’imposer militairement et ce ne fut pas une simple
promenade, puisque
deux campagnes furent nécessaires dont la
première tourna au désavantage des
troupes françaises, qui occupaient le Cap Corse et furent
défaites à Borgo le 9
octobre 1768. La seconde fut plus heureuse, cette fois,
après un moment
d’incertitude, et se conclut par la défaite des
troupes paolistes à Ponte Novo
le 8 mai 1769.
A la suite de la défaite de Borgo, les
Français reçurent des renforts
imposants, à hauteur de près de 25 000 hommes
dont huit mille… Corses. Le général
De Vaux demanda aux Corses de reconnaître
la souveraineté du roi de France. A noter que cette exigence
n’était pas
inacceptable pour les Corses puisque, toujours soucieux de garantir la
paix, Paoli,
semble-t-il, y répondit favorablement. Il y mit deux
conditions :
indépendance définitive vis-à-vis de
Gênes et conservation de la nationalité
corse. On retrouve la recherche renouvelée d’une
spécificité corse sous un
régime de protectorat.
La
seconde de ces conditions, celle
de la conservation de la personnalité corse, aurait pu
être acceptable quelques
décennies plus tôt, à la
manière de ce qui fut accordé lors de
l’annexion de la
Décapole alsacienne en 1648, mais en cette fin du
XVIIIè siècle, l’Ancien
Régime était entré dans une phase de
réduction des disparités de gouvernement
dans les provinces, et l’option centralisatrice
s’est accentuée pour culminer
avec les principes jacobins mis en œuvre sous la Convention.
Aussi Versailles
répondit par une déclaration de guerre
désinvolte qui souligne s’il était
besoin le véritable poids de la
pseudo-indépendance corse et de la personne de
Paoli auprès du Grand Roi. A ce détail, on
conçoit combien la question corse
n’avait d’importance aux yeux des Puissances
européennes que lorsqu’elle était
agitée pour servir d’autres
intérêts et, en particulier, contrecarrer la
politique méditerranéenne de la France, mais pas
vraiment en tant que telle et
certainement pas comme illustration réelle de
l’émergence d’une nation
engagée
dans un processus réel de reconnaissance par ses pairs
en Europe.
En
Mars 1769, la consulte du
couvent de Saint François de Casinca décide la
levée en masse de tous les
hommes âgés de 16 à 60 ans, pour
constituer une ligne de défense de plus de
1200 hommes dans le Nebbio, face à des forces dix fois plus
nombreuses. Le 5
mai les Français engagèrent le combat avec la
première ligne de front de 5000
hommes et lancèrent une attaque sur le point
névralgique de la défense corse
entre Rapale et Pieve défendu par une poignée de
combattants. Il semble
d’ailleurs que ce défaut dans la
défense corse ait été porté
à la connaissance
des Français par certains Corses.
De
Vaux, en bloquant Murato,
contraignit Paoli à reculer jusqu’à
Morosaglia tandis que Marbeuf, avec 2700
hommes, s'avançait alors vers Borgo défendu par
seulement 450 Corses. Paoli
décide alors de redéployer ses troupes
après évacuation des villages alentour,
sur Ponte Novo, Ponte Leccia et Petralba. Mais les renforts furent
interceptés
par les troupes françaises qui tenaient de nombreuses voies
de passage.
Certains
lieutenants de Paoli ne
remplissent pas leur mission ainsi, Giocante Grimaldi qui
avait pour ordre
de défendre Canavaggia et Gaffori celui de
défendre Lento et qui resta inactif
au lieu de monter au col de Tenda comme convenu ou bien encore Jacques
Dante
Grimaldi dont les motivations restent peu claires et qui finira par
rejoindre
le parti français. Ces comportements étonnants
montrent que l’unité de
commandement n’est pas vraiment acceptée et on ne
peut s’empêcher de rapprocher
le fait des luttes d’influences au sein même du
mouvement comme nous l’avons
souligné à plusieurs reprises.
Le
début de l’affrontement fut
marqué par une volonté soutenue d’en
découdre de la part des troupes corses
renforcées par quelques villageois. On y retrouve
l’association entre des
troupes et des civils venant des villages alentour, schéma
caractéristique des
révoltes après annexion que d’autres
contrées comme la Franche-Comté ont connu
un siècle plus tôt. La bataille s'engage dans la
vallée du Golo, à San Cipriano
où sont massées les troupes du comte de Vaux.
Après un premier assaut
victorieux, les renforts français venus de Lento et
Canavaggia repoussent les
troupes adverses sur la rive droite du pont, côté
Rostino, où 1200 soldats
français avaient déjà pris place sur
les hauteurs.
Les
Corses tentèrent alors de
repasser sur l’autre rive et le désordre dans le
commandement aboutit à des
confusions entre soldats, certains évoquant même
la possibilité de tirs de
miliciens prussiens aux ordres de Paoli prenant les troupes du flanc
droit pour
des fuyards. La confusion générale
régnant sur le pont permit aux Français de
recharger les fusils et de faire feu sur des troupes compactes et
massées sur
le pont, faisant un carnage.
Le
bilan fut lourd, sans doute près
de 200 corses morts sur le pont et le double sur la rive pour un nombre
sensiblement
équivalent de soldats français. A ce propos, les
fourchettes d’évaluation
permettent tous les discours selon que l’on retient la
fourchette haute pour
les Corses et la fourchette basse pour les Français (1000 et
400
respectivement) ou bien l’inverse. Le plus sage est de
s’en tenir à une
bataille aux pertes partagées mais où les
positions corses furent défaites lors
d’un événement qui tient plus lieu
d’un engagement armé que d’une bataille.
S’il
est difficile de monter cet
événement en épingle au regard des
effectifs et des pertes, caractéristiques
qui ne furent pas d’une ampleur remarquable surtout
après la guerre de Trente
ans, il n’en est pas de même pour ce qui
s’en suivit. Les corsistes soulignent
à l’envi les débordements de la
soldatesque comme les villages rasés ou
les civils assassinés, les prisonniers
déportés dans les bagnes français ou
sardes. Lors de la campagne militaire, certes, les
châtaigneraies furent
brûlées pour gêner le ravitaillements
des troupes paolistes mais faut-il en inférer
pour autant qu’une politique de terre
brûlée et de terreur systématique fut
mise en œuvre ? .En réalité,
c’est faire tout un de plusieurs épisodes
sporadiques en y soutenant une dramatisation anachronique dont les
répressions
ultérieures, jusque sous l’Empire, viennent
renforcer l’impression.
Les
campagnes militaires se
poursuivent et en peu de mois l’affaire est pliée.
Les Français tiennent
l’En-deçà des monts en mai et
dès le 23 juin, la Consulte de Corte prête
serment au Roi de France au nom de la Corse entière. Le
parti paoliste malgré
le départ de son chef, le 13 juin 1769, se
perpétue tandis que le parti français
s’implante désormais solidement avec le
ralliement de nombreux chefs de clan comme Jacques-Pierre
Abbatucci, Charles Bonaparte,
Etienne Durazzo Fozzani,
Jacques Dante
Grimaldi ou Antoine Galloni
d’Istria.
Les
événements immédiatement
postérieurs à 1769 se limitent à des
opérations de
pacification
En 1769, la Corse est
placée sous
statut de Pays d'Etats
dirigé par un gouverneur nommé, tout
d’abord Vaux puis Marbeuf, ainsi qu’un
intendant des troupes, Daniel Marc Antoine Chardon, chargé
de préparer une
campagne de prise de possession (d’où, souvent, la
confusion avec la notion de
régime militaire qui exclurait toute
représentation même consultative).
L’assemblée des Etats de Corse composée
de 96 membres élus des trois ordres,
est installée. Un appareil administratif très
centralisé (y compris pour
l’autorité judiciaire) est également
déployé avec pour conséquence de
créer des
emplois pour les autochtones ce qui se révèlera
un premier facteur de
fidélisation. L’Alsace, la
Franche-Comté, la Lorraine, les Flandres, la
Bretagne, le Béarn, la Provence, le Dauphiné, le
Languedoc, le Roussillon,
l’Artois et la Bourgogne étaient des provinces
déjà régies par le régime
des
Pays d’Etats, le cas de la Corse n’est donc ni
nouveau ni exceptionnel.
Le
dispositif est complété par
deux mesures d’ancrage. La première consiste en la
confirmation de l’usage du
toscan comme langue de l’administration, toutefois
limité au temps nécessaire à
la nouvelle province de devenir francophone. La seconde est la
reconnaissance
de la noblesse corse comme partie intégrante de
l’ordre de la noblesse
française qui donnera lieu à
l’attribution de titres à des familles dont on
voulut
s’attacher les services et la fidélité.
Enfin,
les premières mesures de
valorisation du pays sont prises avec le tracé des
premières véritables routes,
la décision de cadastrer l’île et la
mise en œuvre du premier plan-terrier de
la Corse qui va fixer la superficie et la forme des terres
arpentées,
permettant d’asseoir l’autorité
seigneuriale sur les terres et le revenu
foncier, source de la richesse économique des familles
dominantes jusqu’au Second
Empire. Ce plan
va
d’ailleurs provoquer la crainte d’une remise en
cause de la liberté d’usage des
« terres communautaires ».
La
grande préoccupation des
parlementaires corses reste le montant et la répartition de
la contribution
fiscale. Un aménagement est consenti par les commissaires,
afin de concilier
les intérêts du Roi et de la Corse.
L’ensemble des mesures prises jusqu’à la
révolte du Niolo alternent des gestes positifs comme le
rétablissement de
l’Université de Corte et l’ouverture des
collèges de Bastia, Ajaccio, Cervione
et Calvi, de pensionnats et d’écoles de
l’intérieur, ou un service régulier des
postes, avec des mesures de quadrillage
« policier » (création
de la
gendarmerie et des pelotons de volontaires corses) ou de
création d’organes
judiciaires aux consignes dures et au mode de fonctionnement
expéditif dans une
île déjà
minée par un banditisme qui s’autorise
d’agir au nom de la
Nation corse. Néanmoins, là encore rien de bien
exceptionnel, la Marcie paoline
ayant déjà poursuivi les mêmes buts.
En mars
1774 une révolte…
Les mesures positives générales,
la reconnaissance de la noblesse des familles influentes,
l’ouverture des
carrières tout comme des événements
plus particuliers mais significatifs telle
l’installation officielle en mars de la loge
maçonne la Parfaite Union,
d’obédience du Grand
Orient,
qui met en relation des Français comme le comte de Marbeuf
lui-même et des
Corses comme François de Gaffori (loge atelier de Corte),
ont un impact
favorable comparé au refus séculaire de
Gênes de mieux associer les Corses à la
République. Cependant cela ne se traduit pas par une
pacification générale et
définitive des relations et la persistance de tensions
d’origines très diverses
va permettre à certains partisans résolus de la
lutte contre l’occupation
française de faire entendre leur voix. La cherté
du grain, l’existence d’un
maquis paoliste tenu à Petralba depuis février,
des tensions avec les grecs de Cargèse, tout cela aboutit
à une situation
favorable à une révolte. Celle-ci fut
organisée par un groupe restreint de neuf
conjurés dont l’un dénonça
le complot avant son déclenchement. Lors de la
consulte du 31 mars 1774 qui s’est tenue dans le Cap Corse,
l’attaque de Corte
fut décidée. Malgré
l’emprisonnement des conjurés, le
soulèvement du Niolo qui
commence en mai à Castirla, mobilise 400 hommes en armes.
Après la mort de
Louis XV, Marbeuf est remplacé par le Comte de Narbonne qui
réprime durement la
révolte. Le soulèvement se heurte à
une concentration de troupes à Morosaglia,
dans la Castagniccia, les Français ayant obtenu des
informations précises. Le
21 juin les Niolins sont encerclés, des mesures
répressives se voulant
exemplaires furent prises. Ainsi, il y eut onze condamnés
à mort par pendaison,
et cinquante-deux seront déportés vers Toulon.
Les conditions du procès firent
de cette affaire un modèle de traitement
expéditif où les dénonciations de
la part de Corses trouvant là de quoi éteindre de vieilles
querelles pesèrent de tout leur
poids. Le traitement réservé aux
conjurés rappelle de nombreux épisodes
présents
dans toutes les répressions communément
pratiquées en Europe depuis les guerres
de religion, et plus récemment lors de la guerre de Trente
ans.
En
août et en septembre d'autres
rebellions de moindre ampleur éclatent et sont vite
réprimées selon des
méthodes éprouvées : villages
rasés, hommes et femmes exécutés ou
déportés. A noter que la répression
terminale est confiée à Raphaël
Casabianca
du parti français. Cela dit nous sommes loin des milliers de
Corses hommes,
femmes et enfants, assassinés qui figurent encore au rang
des mythes. A l’issue
de cette année 1774, on peut évaluer le nombre de
Corses tués à quelques
centaines et 400 restent encore prisonniers à Toulon en
décembre.
Une
des premières conséquences de
la révolte de 1774 fut l’ordonnance de Turgot,
contrôleur général des Finances,
visant à proposer la Corse comme terre
d’installation aux repris de justice,
déserteurs (après amnistie) ou sur la base du
volontariat, le tout assorti de
primes. Cette installation de souches françaises
n’eut pas un franc succès, se
limitant souvent à la perception de la prime et au retour
sur le Continent,
malgré la pression démographique accablant alors
le royaume. L’ampleur très
réduite de l’opération comme le faible
nombre des installations définitives
empêchent de qualifier la mesure de colonisation de
peuplement ; la mesure
s’apparente plus aux mesures semblables qui furent prises en
leur temps en
Franche-Comté ou en Alsace pour mieux
asseoir la légitimité de la
présence française, bien que dans
ces deux derniers cas, il
s’était agi de compenser le déficit
démographique provoqué par une guerre
autrement meurtrière, la guerre de Trente Ans.
Très
rapidement, Louis XVI voulut
ramener le calme en promulguant dès 1776 une amnistie
générale qui excluait les
conjurés d’Oletta dont le crime avait
été requalifié par le duc de Choiseul
en
crime de lèse-majesté et soustrait à
la justice militaire en mars 1769. Par
ailleurs, dans les années qui suivent, de nombreux projets
voient enfin le
jour, comme l’ouverture effective en 1776 des
collèges promis trois ans plus
tôt, ou le commencement de la parution du Code Corse qui
essaie de mettre un
peu de cohérence dans la masse des édits,
déclarations, lettres patentes,
arrêts et règlements publiés dans
l’Ile depuis la soumission au Roi, et qui se
superposent aux anciens textes et coutumes.
Le calme
de la Corse pré-révolutionnaire
Pas ou peu de mouvements agitent
l’île dans cette dernière
décennie de l’Ancien régime, sinon ce
qu’il est
convenu d’appeler les délits champêtres,
selon la savoureuse expression qui
revient souvent sous la plume de l’intendant. Pendant toute
cette période, les
notables s’empressent de faire reconnaître leurs
titres de noblesse par le
Conseil supérieur de la Corse et par le Roi.
En
1780, on tire la leçon de l’échec
des installations avec l’abrogation de l’ordonnance
de Turgot. Si le parti
paoliste exilé s’engage dans les forces anglaises,
en revanche, les années qui
suivent sont des années de gestion et de
réformes. En 1784 et 1785, plusieurs
édits du Roi accordent des privilèges
d’exploitation pour relancer l’économie
de l’île par l’octroi des droits
gratuits sur l’extraction de l’argile
pendant 15 ans, ou de nombreuses exemptions fiscales sur des
périodes longues
de 15 à 25 ans, selon les cas. En
bénéficient les terres incultes à
condition
de les exploiter en chènevières ou
linières, ou les marais asséchés et
mis en
culture, les terres converties en prairies et les maquis
défrichés au bénéfice
de l’agriculture céréalière,
de la vigne et des plantations d’arbres fruitiers.
Pour conforter l’exploitation arboricole, un édit
complémentaire accorde
également une prime aux plants de citronniers,
d’oliviers, d’orangers ou de
mûriers greffés importés du continent.
Toutes ces dispositions sont prises en
évitant de mettre en péril, cette fois, les
châtaigneraies.
En
octobre 1788 enfin, la
situation la plus significative d’une situation
d’occupation, à savoir la
discrimination salariale, est supprimée, après
une demande du Conseil Supérieur
de la Corse. A l’orée des
événements révolutionnaires, et vingt
ans seulement
après l’annexion, la Corse commence à
bénéficier d’une administration qui le
cède de peu aux autres provinces. Les contre-coups de la
Révolution et de
l’Empire vont remettre tout en cause, en poussant
l’île au cœur du maëlstrom
révolutionnaire, où elle tirera autant gloire
pour certains de ses fils que
répressions et régime autoritaire pour
l’île elle-même.
Quelques
leçons à retenir de la période qui
suivit l’annexion
La défaite insulaire ouvrit
naturellement la Corse à l'occupation française
mais si elle ne mit nullement fin à tous les combats, il
n’est pas vrai de
parler de résistance corse avec toutes les connotations de
lutte contre
l’occupant que cela recouvre dans les écrits
nationalistes qui, sans vergogne,
jouent de raccourcis anachroniques pour titiller la mémoire
de l’héroïsme des
Résistants corses de la seconde guerre mondiale, alors
même que ces derniers
étaient poursuivis par les irrédentistes de
l’époque.
Il y eut en réalité une
résistance armée à
l’arrivée des troupes françaises
puis aux troupes de ce qui est alors une occupation mais elle ne fut
pas d’une
nature si différente de tous les autres cas de
résistance à une occupation,
quelle qu’elle soit. C'est un mensonge
éhonté de transformer
l’après- Ponte-Novo
en un long épisode de résistance ininterrompue et
unanime. En réalité, il faut
distinguer une période paoliste de résistance non
unanime où, pour faire un
clin d’œil aux références
algériennes, un parti de la France
s’exprime
très tôt, d’une période de
ralliement lors de la Révolution Française. Quand
à
ce qui se passe ensuite jusqu’à
l’orée de la Restauration, il s’agit
plus de
luttes de clans où des familles concurrentes de la famille
Bonaparte, comme les
Pozzo di Borgo en 1799 lors de la révolte du
Fium’Orbo, veulent mettre la Corse
sous tutelle étrangère pourvu que cela nuise aux
intérêts des impinzuti.
On a vu que les lendemains de la
conquête ne furent pas tendres mais quelle
conquête n’est pas immédiatement suivie
d’une occupation militaire où les
autorités françaises durent prendre des mesures
de bannissement des familles
opposantes. De là à décrire cette
période comme un banc d’essai d’un génocide à
l’algérienne, c’est flatter
l’émotion et tabler sur des approximations
historiques ; au cas particulier,
une double approximation qui consiste à tenir pour
comparable la conquête de la
Corse et celle de l’Algérie où, il est
vrai, les troupes de Bugeaud ne firent
pas de cadeau et comparable aussi la répression pendant la guerre d’Algérie
avec la répression en Corse, pour laquelle la
qualification de génocide tient
de la posture plus que de la réalité historique
indiscutable.
Pour clore ces quelques considérations,
loin de tenir pour un projet féodal
ou colonial l’attribution de fiefs, la mise en
œuvre de l’ordonnance de Turgot
ou la réintroduction des Grecs à
Cargèse en 1775, à l’instigation de
Marbeuf,
et de colons Lorrains sur les rives de l’étang de
Biguglia (ils y furent
décimés par les fièvres), il faut
replacer ces décisions dans un contexte de
pression démographique forte pesant sur le Royaume, et
d’une période de
post-annexion d’une province relevant d’une autre
aire culturelle, à la manière
de l’Alsace plus que de l’Algérie.
Enfin, l’admission aux emplois publics des
notables d’origine corse et l’accession
à la noblesse, très
généreusement
octroyée, montre que commence très tôt
un traitement plus équitable des nouveaux
Français que sont
désormais les
nouveaux sujets du Roi. Equitable ne veut pas dire heureux et, de ce
point de
vue, les remontrances que les Corses auront à
présenter vont très vite
ressembler à celles des Français du continent.
La Corse
et la Révolution Française :
naissance de l’Etat protecteur
Les
historiens français sont
accusés par les nationalistes de tordre eux-aussi la
réalité historique en faisant croire que la Corse
s'était donnée à la Nation
française en 1789, en entretenant la confusion entre Nation
et Révolution
Française et en ignorant les manifestations populaires
anti-françaises de 1789.
L’historiographie ainsi critiquée faisait la part
belle, il est vrai, à
l’hypothèse d’un processus
d’osmose ou, mieux, de convergence des deux
Révolutions. En réalité, il semble que
la Révolution française a
été perçue par
les paolistes comme la revanche de Ponte Novo et rien
d’autre. L’ennui est que
cette critique corsiste propose une analyse partielle tenant la partie
(paoline) pour le tout et envoie le bouchon un peu loin en tenant pour
acquis
que la rupture de 1794 serait beaucoup plus qu’un simple
épisode local de
l'insurrection fédéraliste ce qui suppose le fait
national corse déjà avéré
à
ce moment. Tout cela relève de la pétition de
principe et de tenir la
conclusion à laquelle on souhaite aboutir pour une
prémisse de la
démonstration. Qu’en est-il au vrai, sinon que la
province de Corse se comporte
selon un schéma bien connu dans toutes les provinces du
Royaume au même moment.
Nous illustrerons notre propos par des événements
qui touchent de près le
rattachement de l’île, sans manquer de signaler, au
passage, que d’autres épisodes
telle la question religieuse, provoqueront des réactions de
type
« vendéen » sans subir
d’ailleurs de véritable répression populicide, selon le mot de la
Convention.
De la rédaction des cahiers
de doléances à la préparation de
l’invasion de la Sardaigne, les Corses ne prennent
aucune posture pro ou anti-française. Leurs motivations sont
comparables ce
qu'on observe ailleurs en France, à savoir les
mêmes revendications économiques
et d'égalité des droits. Ainsi en avril-mai 1789,
les onze juridictions royales
tiennent en temps et heure
les assemblées de rédaction des cahiers et
élisent leurs représentants à
l'assemblée générale des Etats de
Corse. Le 1er, 3 et 5 juin, les quatre
représentants corses aux Etats
Généraux sont élus.
A la
suite de quoi, la succession des événements comme
la création des milices
bourgeoises, la démission forcée des officiers
municipaux ou les
autoproclamations de podestà (maires), sont tout
à fait
comparables aux événements
révolutionnaires
du continent avec cependant des revendications spécifiques,
telle celle de la
récupération des terres ayant fait l'objet de
concessions privilégiées. Une
anticipation des événements d'Aléria
en quelque sorte ! Ainsi, le 20 août 1789,
les concessions du roi dans le sud du golfe d'Ajaccio sont-elles
dévastées de
même les propriétés grecques de
Cargèse par les habitants de Vico ou bien
encore les terres du Migliacciaro par les villageois du Fium'Orbo. Tout
au long
de l'été 1789, les officiers municipaux perdent
tout pouvoir et sont changés par
des décisions des municipalités comme
à Corte par exemple. Le mouvement
révolutionnaire des villes s’étend vers
l’intérieur de l’île et tend
à déborder
sur les campagnes ; tout est prétexte à
se faire octroyer par des menaces
et des mesures d’intimidation des droits indus ou
à régler des vieilles
querelles.
Des
demandes de départ à
l'encontre de officiers et commis français sont
présentées auprès des
municipalités, ce qui, en soi, n'est pas
spécifique à la Corse. En
résumé, ce
sont des libertés que le peuple se donne ici comme sur le
Continent. mais prend
une coloration particulière dès lors que le
rattachement de la province est
récente et que les départs en question sont mis
en scène, sont visibles et
solennisés par un embarquement collectif.
Quant
à Paoli, celui-ci ne remet
nullement en question le rattachement de la Corse à la
France (nous sommes en
1789), mais se représente la situation comme celle d'une
participation de la
Corse à la Révolution, et à
l’élaboration d'un nouveau genre humain.
L’interprétation historiographique de la
convergence des deux Révolutions tient
là, sans doute, son meilleur argument.
Après
une tentative de faire
passer un projet de régionalisation en août 1789,
rédigée dès octobre,
l’adresse des Ajacciens à
l’Assemblée Nationale est lue le 30 novembre
à la
tribune. A la suite de quoi, et à la demande de Saliceti,
député du Tiers, le
même jour est pris un
décret qui
consacre le rattachement définitif de la Corse sans aucun
particularisme,
prenant à contre-pied la démarche des Nobles
Douze qui avait déposé un
projet de statut particulier. Le décret en
prévoyant une disposition d'amnistie
pour les Corses exilés suite aux
événements de la conquête provoquera
une vague
de ralliements.
L'attaque
de la Sardaigne décidée
par le Conseil exécutif de l'Assemblée Nationale,
le19 septembre 1792 est
confiée à Paoli dans le cadre les actions
armées contre la première coalition. Ce
ne sont pas encore les prémices d'un Empire corse !
L’arrêté du 10 octobre
qui substitue le général Anselme à
Paoli, est interprété par ce dernier et
à
juste titre comme une dépossession du commandement,
prélude à sa désignation
comme bouc émissaire de l’échec
annoncé. Très rapidement on en viendra
à la
rupture.
Le
malentendu résidait à
l’évidence dans
l’interprétation de la promesse de
liberté : liberté pour
l’individu dans une Nation pour les jacobins,
liberté des Corses comme peuple
sous protectorat français pour les paolistes. Cette
possibilité fut déniée aux
Corses mais le choix jacobin fut aussi le fait de Corses
eux-mêmes. Ce qu’il y
a de remarquable, c'est sans doute que des Corses de premier plan vont,
certes
avec des précautions de langage, se détacher d'un
Paoli encore confiné aux
horizons de l'île pour, de plus en plus nettement, jouer la
carte de la France
révolutionnaire. Ainsi Saliceti accepte de faire partie de
la Commission
d'enquête diligentée le 1er
février 1793 par le Comité de Défense
Générale pour rétablir l'ordre en
Corse, avec un objectif anti-paoliste à peine
dissimulé.
L’adhésion
autant que la rupture
avec la France révolutionnaire furent l’affaire de
Corses qui en furent les
protagonistes à Paris comme en Corse même.
Voilà décidément une province
annexée qui fait tôt parler d’elle et
qui investit tôt les arcanes du pouvoir
central. D’un Pozzo di Borgo membre suppléant du
Conseil Diplomatique (Comité
de la Législative puis de la Convention) qui finira par
jouer la carte anglaise
en ralliant Paoli puis la carte russe à un Saliceti,
robespierriste et mentor
de Bonaparte, les Corses s’agitent beaucoup dans les
allées du pouvoir
parisien.
La mise au
pas napoléonienne et la ghjustizia morandina
Pendant la période napoléonienne,
la Corse n'est pas jugée sûre par
Napoléon, car il sait pertinemment que le jeu
des partis est actif, et qu’on est loin d’une
adhésion unanime et
irrévocable ; d’ailleurs le parti anglais
n’est pas mort et s’agite,
malgré le traité d'Amiens. Les Anglais, notamment
l’amiral Nelson, sont
présents dans l’îlot de la Maddalena en
Sardaigne, et les émigrés y recrutent
des Corses pour l'armée anglaise et le renseignement. En conséquence,
le pouvoir civil est soumis à
l’autorité de l’envoyé
extraordinaire du Premier Consul, le conseiller d’Etat
Miot. La situation se durcit encore avec l’arrivée
du Général Morand, en1803.
Avec
Miot puis Morand, les ordres
du Premier Consul sont appliqués avec rigueur : la
censure y est plus
sourcilleuse qu’ailleurs, les tribunaux criminels sont
supprimés et remplacés
par une juridiction d'exception. Les troupes
régulières, la gendarmerie et la garde
nationale effectuent des expéditions punitives dans les
montagnes. Lorsque le
Général Morand succède à
Miot de Melito, la mémoire corse retient le souvenir
d’une tyrannie sans mesure. Mais quel en est
le bilan réel ? Y a-t-on tué
des milliers de Corses ou même des
centaines ? Le bilan est bien plus maigre, et, certes, si la
main fut
lourde, elle n’est nullement comparable à ce que
d’autres militaires en
d’autres lieux ont pu faire. Jugeons-en plutôt.
En
1803, pour lutter contre les
menées de déstabilisation de la Corse, soit par
l’action des royalistes,
pro-Anglais, soit par celle de réfractaires à la
conscription ou de bandits, un
décret consulaire définit des pouvoirs de haute
police qui permettent au
Général Morand de gouverner de façon
brutale et de réprimer sans respecter les
procédures pénales.
Tout
d’abord, cette justice expéditive,
l’absence des jurés, cela ne
vous rappelle rien ? Allons, un effort…1755,
année des expéditions de la Marcie,
la ghjustizia paolina, qui n’est rien d’autre
qu’une commission de justice
ambulatoire adepte d’expéditions punitives
armées. Lors de cet épisode, que
l’on aime oublier, les exécutions et les
destructions des maisons ou la
destruction des biens d’une famille sont des pratiques
utilisées, mais qui,
d’ailleurs, ne se distinguent pas de ce qui était
communément pratiqué.
Revenons
à notre imitateur, le
Général Morand. D’aucuns imaginent ce
dernier sacrifiant un homme par jour
pendant les sept années de sa Ghjustizia Morandina, ce qui
aurait provoqué un
creux démographique de plus de 2500 âmes, et
pourtant, en 1800 il y avait
164000 habitants en Corse et en 1810, 170000 habitants (recensements
légaux).
Voici la liste des actions de haute police que l’on
a pu établir :
- 42 déserteurs
arrêtés
dont un ou deux fusillés (1803)
- 6 condamnations à mort
par la Commission Militaire Spéciale pour intelligence avec
l’ennemi et
enlèvement
- 150 habitants du
Fium’Orbo arrêtés après un
affrontement entre paysans et gendarmes dont 10
condamnés à mort, une cinquantaine
internés à Embrun (35 à 40
décès en prison,
la grâce est accordée aux survivants en 1808)
- environ 25
arrestations dans le cadre de la Conspiration d’Ajaccio en
1809 (4 condamnés à
la prison à vie, 11 autres acquittés, 11 en
résidence surveillées, 3 sont
internés au Château d'If.
Ainsi
la ghjustizia morandina
a fait moins de victimes en sept années que la
révolte du Niolo dans les
quelques mois de son déroulement en 1774. En
réalité, Morand laissa un souvenir
amplifié par trois caractéristiques
particulières qui n’ont pas de relation
avec l’ampleur supposée de la
répression. Tout d’abord, il agit en autocrate,
mêlant pouvoir exécutif et judiciaire. Ensuite, il
est vrai que les
juridictions occultèrent la fonction de jury alors
même que la Corse paraissait
pacifiée malgré les cabales et les complots vrais
ou supposés. Enfin, il fut
l’instrument d’une répression
d’autant plus odieuse qu’elle était
ordonnée par
un Corse à l’encontre de ses compatriotes,
même si le Général Morand a souvent
outrepassé les instructions impériales.
Pour
être complet, il faut
souligner que tout au long des ces années alternant le calme
relatif et les
poussées de fièvre, le maître mot pour
qualifier ces événements est
l’ambiguïté
des auteurs des violences et des victimes. Sans doute, les
résistants ont-ils
de tout temps été qualifiés de
terroristes ou de bandits, mais il semble avéré
que de nombreux auteurs des événements violents
de protestation se
distinguaient alors mal de ceux qui pratiquaient le brigandage, les
enlèvements, l’extorsion de rançon,
à l’encontre des Corses eux-mêmes. A
l’époque, le rançonnement
n’était pas déguisé en
impôt révolutionnaire, il
était pris pour ce qu’il était tant par
ceux qui le pratiquaient que par ceux
qui le subissaient ou ceux qui le réprimaient.
Ainsi,
la ghjustizia morandina ne
se distinguait pas tant que cela de la Marcie
paolina qui sévit sans contrainte dès les
premiers mois du Gouvernement de Paoli pour lutter contre la vendetta
et le
banditisme. Enfin, la répression morandine fait
pâle figure auprès d’épisodes
plus douloureux et plus systématiques qu’on a pu
observer auparavant, au XVIIè
ou au XVIIIè siècle. Egarons-nous quelques
instants sur le Continent, cent cinquante ans plus tôt, pour en juger et pour constater
que l’importance
de la répression en Corse ne fut ni une novation ni
particulièrement intense.
Quid de
la Franche-Comté ou de l’Alsace
pendant la guerre de Trente ans ?
Si
après cela le lecteur persiste
à croire que la Corse eut un traitement exceptionnel qui
serait l’indice d’un
statut de colonie et non d’une province annexée,
colonie dont on ne peut en
aucun cas être sûr si peu
d’année après son annexion
qu’il me soit permis de
rappeler le traitement qu’a subi la Franche-Comté,
province de langue française
du Saint-Empire, dévolue à la couronne
d’Espagne.
Après
une Histoire sans histoire d’une province prospère
jusqu’au XVIè siècle,
la Franche-Comté
commence à entrer dans le champ de la marche vers
l’Est du Royaume de France,
qui, sous Henri IV, déclare la guerre à
l’Espagne en 1595. La province, alors
espagnole, est
alors envahie et subit
les rigueurs d’une campagne militaire. Mais jusque
là rien de bien grave, et
la paix de Vervins
est signée en 1598
qui conclut un jeu à somme nulle entre les
conquêtes françaises et espagnoles.
Sous le
prétexte de la présence à
Besançon de Gaston
d'Orléans, son frère en révolte contre
lui, Louis XIII rompt le traité de
neutralité malgré l'opposition du Parlement de
Dole et déclare la guerre en
1635. Après quelques palinodies militaires, en 1637, la
guerre est toujours
présente en Franche-Comté. Trois
armées envahissent simultanément cette
province dont celle du duc Bernard de Saxe-Weimar qui pille,
rançonne, brûle,
va jusqu’à massacrer un village entier,
Pierrecourt. A quoi s’ajoute, les
ravages de la peste qui s’étend depuis deux ans et
la famine.
Après avoir pris le
duché de Bourgogne, l'Alsace et le
Comté de Montbéliard, la France voulait pour
frontière les montagnes du Jura.
Aussi Richelieu donne-t-il l'ordre à Bernard de Saxe-Weimar
"d'envahir, de
conquérir au nom de la France"
toute la Franche-Comté limitrophe
de la Suisse. Le siège de Pontarlier
se conclut par un incendie gigantesque dans lequel périrent
plus de 400
personnes. La Rivière subit le même sort. Par
ailleurs durant cette époque sont
détruits les villages des Arcenets près des
Alliés, de Cessay près de Frasne,
de Goutte-d'Or près de Vaux et des Bougnons près
des Pontets. Six mois de
pillage s’en suivent. En Franche-Comté, le plat
pays est abandonné, la famine
règne dans les villes de Salins, Dole, Gray, et
Besançon. C’est l’arrivée de
Mazarin, et la pression de la Fronde, qui conduit la France,
à se désengager
provisoirement de Franche-Comté, en 1644.
Le bilan est
particulièrement lourd : plusieurs
dizaines de villes ou villages entièrement rayés
de la carte, des dizaines de
châteaux brûlés, et bien sûr
le cortège habituel de femmes violées, de
vieillards brûlés, de victimes civiles de la
soldatesque. Toutes l'économie et
la démographie de la Franche-Comté se trouvent
bouleversées. L'agriculture doit
repartir à zéro : le bétail est mort,
les labours et les semailles n'ont pas
été faits, les paysans sont partis dans les
villes ou à l'étranger. La perte
démographique par massacre ou émigration est
également très importante. Le
recensement de 1614 donnait une population voisinant entre 405 000 et
410 000
personnes ; celui de 1657 indique qu'il y avait environ 215 000
habitants en
Franche-Comté. Une différence de quelques 200 000
personnes !
Gardons aussi à
l’esprit que, plus au nord, une grande
partie de la population alsacienne, pendant la guerre de Trente ans,
connaît un
sort équivalent, le pays étant ravagé
par les 18000 suédois (en réalité des
mercenaires recrutés en Allemagne, la plupart du temps) de
Saxe-Weimar. Cette
province vit sa population également amputée du
tiers ce qui nécessita de
mettre en place une politique d’implantation de nouvelles
populations.
Rien de comparable en Corse !
L’évolution
démographique, en regroupant différentes sources,
pourrait être la suivante
(en y indiquant une variante, voir à ce propos
l’annexe démographique) :
|
|
Série
Damiani
|
1580 135 000
1670 120 000
1708 120 000
1726 119 000
1730 114 000
1739 113 000
1740 117 000
1750 122 000
1760 125 000
1770 130 000
1780 142 000
1790 154 000
1800 164 000
|
1810 170 000
1820 180 000
1830 195 000
1840 215 000
1850 235 000
1860 248 000
1872 252 000
1876 262 700
1881 272 700
1891 288 600*
1901 295 600*
|
1810 174 700
1820 180 000
1830 198 000
1840 226 500
1850 236 300
1860 252 900
1872 258 500
1876 262 700
1881 272 700
1891 288 600*
1901 295 600*
|
*
chiffres douteux (voir annexe démographie)
Cette série chronologique
montre
qu’à l’inverse du déclin
démographique de la paix génoise du
XVIè et XVIIè
siècle, le XVIIIè siècle
connaît deux périodes : une
remontée lente et
chaotique jusqu’à l’annexion
(remontée lente de la natalité, effet de la
guerre
de quarante ans, criminalité et vendette)
et, à compter de 1750 avec
l’effet des premières mesures du Gouvernement
de Paoli et de façon encore plus marquée,
à partir de l’annexion, la
stabilisation socio-économique de l’île
se révèle favorable à son
décollage
démographique pendant la plus grande partie du
XIXè siècle. Les guerres
d’annexion et surtout les périodes de
répression pendant la période
napoléonienne n’auront eu aucun impact
démographique significatif.
Equivalent
à la guerre d’Algérie ?
Dans une fameuse tribune libre au
journal Le Monde (pages Horizons) parue le 31 août 2000, et
qui désormais
traîne dans tous les sites nationalistes, Michel Rocard
évoquait le coût humain
de la conquête côté français
comme étant plus lourd que celui consenti pendant
la guerre d’Algérie. Nous reviendrons plus loin
sur l’instrumentalisation de la
guerre d’Algérie dans la mythologie corsiste,
qu’il suffise au lecteur de
s’interroger sur ce genre de raccourci proposé par
un ancien Premier Ministre.
Tout
d’abord celui-ci évoque les
pertes françaises et non celles des combattants corses.
Bien. Qu’en est-il en
Algérie entre 1954 et 1962 ? Et tout
d’abord faut-il comprendre par
« pertes françaises »
celles subies par l’Armée
régulière, en
ne tenant pas compte des supplétifs
harki,
moghzani ou autres, et en comptant pour rien les victimes du
terrorisme ?
Faisons l’hypothèse qu’il en est bien
ainsi, sachant que nous ne tricherons pas
en comptabilisant les morts FLN, ou les victimes civiles musulmanes
qui, à ce
moment, étaient formellement françaises. Si
l’on retient ces critères,
l’évaluation des pertes
s’établit à 24614 tués
(chiffres officiels pour deux
millions d’hommes du contingent engagés.
Dire
« qu’il fallut une
guerre pour prendre possession de notre nouveau
domaine » comme l’affirme
Michel Rocard, est un coup de pied de l’âne qui ne
signifie rien, qui ne veut
rien dire : c’est le lot de toutes les
conquêtes et de presque toutes les
annexions qu’a entreprises le royaume de France. Ajouter que
« la France y
perdit plus d’hommes que pendant la guerre
d’Algérie » est
malhonnête.
Faut-il comprendre que la France perdit plus de 24000 hommes lors de
cette
phase de conquête ? On a vu que l’ensemble
des pertes sur la période
1768-1774 n’atteint pas 3000 hommes. Raisonne-t-on en
proportion, peut-être
mais on ne le dit absolument pas, et l’on aurait eu raison de
ne pas le faire,
car tout engagement militaire a un coût fixe en terme de
pertes humaines, le
raisonnement proportionnel ne peut porter que sur des populations
déjà
élargies, sauf à vraiment tenir pour
statistiquement significatif de prétendre
que Caïn a tué le quart de
l’humanité !
Pourquoi
toujours compter les morts ?
Le
but est clair : après avoir
voulu démontrer que la France a
réprimé en Corse d’une
manière spéciale, qu’on
ne retrouve qu’en Algérie ou à
Madagascar (toujours le fantasme de la
colonisation), on veut montrer que la conquête fut si rude
que c’est la preuve
du caractère artificiel de l’opération.
Voilà beaucoup d’efforts pour enfoncer
une porte ouverte : qui a jamais prétendu que les
Corses étaient dès
l’origine destinés à rejoindre
l’espace français ? Tout pays a ses
marches
frontière, insulaires ou non, et pour une
Franche-Comté francophone, le royaume
de France va agrandir son pré carré
avec la Flandre, le Roussillon, le duché de Bretagne, le
pays basque, l’Alsace
et la Lorraine francique.
Enfin,
on voudra aussi montrer une
résistance inlassable (mais difficile de dissimuler
qu’elle ne fut en aucune
façon le soulèvement de tout un peuple)
jusqu’à la Restauration. Et certes, il
fallut Morand. Mais une province ventre mou d’une
expédition anglaise toujours
possible, qui a montré depuis son annexion que plusieurs
partis se disputaient
le pouvoir, et où la trahison pouvait faire raison en cas de
besoin, une telle
province devait nécessairement s’attirer toutes
les sollicitudes militaires.
Au
fond, la vraie question n’est
pas là mais plutôt de savoir si les Corses ont
vocation à sortir du domaine
plus que les Alsaciens, par exemple, parce qu’ils sont
corses, plus que les
Francs-Comtois parce qu’ils ont subi des
représailles odieuses mais les
Francs-Comtois aussi, ou parce qu’il existe des raisons
objectives rendant
l’indépendance souhaitable. Faut-il sortir du
domaine deux cents ans après y
être rentrés dans la douleur,
précisément parce qu’on y est
entré dans la
douleur en occultant toutes les périodes où les
Corses étaient fiers d’être
français, ou bien plutôt parce qu’il
n’y a plus d’intérêt
à y rester.
L’argument de la fierté comme
succédané à un véritable
programme d’indépendance
n’est acceptable que dans le cas de peuples qui
n’accèdent pas à la pleine
citoyenneté, et le mot de Ferhat Abbas sonnait alors juste.
Mais nous avons vu
l’imposture d’une pareille posture
s’agissant d’une île dont beaucoup de
ressortissants participent depuis l’origine du pouvoir de
l’Etat et dont tous
les habitants sont pleinement citoyens.
|
C’est
une histoire de mythes et d’identité : la question
corse
qui fait souvent l’actualité
a tordu la mémoire des faits. Le tout
grâce
à la
réécriture de l’Histoire de
l’île et à la mythologisation de
la langue
|
|
Allons
plus loin déshabillons le paon pour découvrir le
poulet qui est
dessous. La Corse fut-elle le phare des Lumières ? Y-a-t-il
eu une
Corse vraiment indépendante et que voulaient les Corses sous
Paoli ?
|
|
La
Corse s’est ralliée. A-t-elle combattu ? La Corse
eut-elle un comportement
si différent des autres provinces de la
République française ? Le
ralliement fut-il facile ? A-t-elle cru se découvrir un
destin ?
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La
petite île a-t-elle voulu donner des gages ? S'est-elle
imaginé un
Empire par
procuration ? Lors de l'occup', fut-elle exemplaire ? A-t-elle des
leçons
à donner ?
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Une
fois l’Empire colonial effondré, que
devient la petite île ? Veut-elle s’en retourner
à son passé glorieux
mais confisqué et veut-elle enfler ses mythes pour les
vendre à l'encan ?
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Les
mythes se portent bien, ils se sont même diffusés
partout. Faut-il en
rester là et faire du chantage à la Dette ? Ou
bien, au contraire,
est-il possible que l'île envisage de sortir du mythe et arrive à affronter la
réalité du monde moderne ?
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