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HISTOIRES CORSES                                                                                                                                                                NE NOUS RACONTONS PAS D'HISTOIRES

Actualités



Bibliographie

Une fois l’Empire colonial effondré, que devient la petite île ? Veut-elle s’en retourner à son passé glorieux mais confisqué et veut-elle enfler ses mythes pour les vendre à l'encan ?


La vieille tentation du repli identitaire

 

Pendant tout le XIXè siècle, la Corse se remet progressivement de l’annexion. On ne peut pas interpréter les réactions locales – piévanes – d’insoumission comme des départs de révolte alors que ses élites se sont ralliées en quasi-totalité et que de nombreux Corses vont chercher et trouver fortune dans les carrières sur le Continent ou dans les Colonies. La violence qu’on observe est une violence paysanne, une violence de banditisme de grand chemin au service d’une économie parallèle balbutiante. Mais les bandits rançonnent et ne protègent pas contre l’oligarchie foncière ; ils ne se mettent pas, non plus, au service de cette dernière. La situation n’est donc pas comparable à la Sicile, d’autant qu’il n’y a pas de grands domaines en Corse.

 

Cependant, pendant cette période et jusque dans les premières décennies du siècle suivant, la violence vendettaire reste le trait dominant de la violence villageoise. Lorsque l’on dresse une cartographie des zones affectées par la vendetta ainsi que les zones de pur banditisme, on note que les régions du nord-ouest (Calvi, le cap), régions traditionnellement légitimistes et reconnaissant peu ou prou l’autorité génoise ou de la France, sont peu touchées. Il en est de même pour la Balagne non calvaise qui fut, en partie, un fief paoliste, et donc sensible à la construction d’une esquisse d’autorité étatique. A l’opposé, la Castagniccia, le Cortenais et le Fium’Orbo, toutes terres de révolte, sont fortement touchés par cette violence vendettaire. Enfin, les principaux repaires de bandits sont situés dans la forêt d’Aïtone ou dans la Restonica. Il serait, pourtant, hasardeux de relier systématiquement ce type de violence aux révoltes passées : ainsi, le Delà est nettement infesté et plus encore que le Deçà, alors même qu’on aurait pu s’attendre à un comportement comparable à celui prévalant dans le Nord-ouest de l’île. En réalité, si l’essentiel du vendettisme est sudiste, en revanche, le banditisme au sens strict remonte au-delà du Cortenais. Les motifs des vendettas restent familiaux et souvent liés au point d’honneur et à la protection de la vertu féminine[1], ou bien plus classiquement autour d’intérêts économiques ou de rivalités de pouvoir qui dépassent rarement les limites des pièves. En revanche, le banditisme peut se diffuser sur une aire plus vaste, est plus mobile et se complique d’actes de quasi razzia lors des transhumances.

 

Laissée à elle-même, la vie villageoise n’a toujours pas permis aux Corses d’atteindre une conscience de soi comme partie d’une communauté plus large, à fortiori d’une nation. Quant à ceux qui échappent à la finitude de la vallée, c’est pour faire carrière sur le Continent ou aux Colonies, et y trouver statut, considération et revenus. En bref, on n’y trouve nulle part un motif économique ou politique pour se révolter contre l’Etat ou pour se découvrir une identité nationale face à l’occupant français. L’émergence d’un tel courant finira par se produire néanmoins à travers le prisme culturel et la revendication identitaire et, souvent, par l’action de Corses partis de l’île, ce qui, au regard de ce que nous venons de dire, n’est que trop normal.

 

Le long sommeil de la nation corse et la culture villageoise

 

La Restauration fut le début de la « paix française » mais cette paix ne signifie nullement intégration ; parler, en revanche, de résignation dans le sens d’une soumission pétrie de remords ou de regrets est une construction après coup. On l’a vu, la population corse a d’autres soucis, des soucis de tous les jours, de survie. Bientôt l’Etat va ouvrir largement, voire même recruter, racoler vont dire certains, dans l’administration et l’armée, offrant ainsi à une population pauvre d’une île aux ressources limitées[2] des emplois et la garantie de nourrir la famille entière.

 

Donc, point de Nationaux et point de Révolte après la chute de l’Empire napoléonien, la guerre du Fium’Orbo s’assimilant plus à un baroud d’honneur des troupes de Murat réfugié en Corse. Les Corses n’ont pas profité de cette période troublée pour rompre, d’autant que la chute de l’Aigle fut suivie d’un retournement de l’opinion corse à son égard, celle-ci s’identifiant au héros tombé d’une île oubliée. En revanche, le banditisme, corollaire de la vendetta dont il est souvent le prolongement obligé (il faut bien vivre !) ne défie pas l’autorité de l’Etat en tant que tel, il entretient essentiellement un climat de violences dirigées contre les villageois, ce qui n’empêche nullement les liens de solidarité d’être maintenus par tradition, par honneur ou par crainte. Ce phénomène n’est pas nouveau et suit une longue tradition de banditisme insulaire dont la Corse a souffert au long des siècles[3] . Pourtant, par le fait même, le banditisme est aussi un refus de l’autorité, des lois, des normes judiciaires, dans la mesure où ces normes gênent la liberté du bandit et ses projets ; dans le même temps, il n’hésite pas à imposer ses propres lois et son racket. Parfois, notamment lorsque la pression sur les villages risque de faire céder les liens de solidarité, certains bandits essaient de se justifier et se font tresser des couronnes de bandit d’honneur, de « roi du maquis ». C’est le temps des interviews accordés aux journalistes continentaux où le bandit se réclame des grandes figures du passé pour faire croire à une résistance patriotique là où il n’y avait qu’exploitation des gogos ! Cela ne vous rappelle rien ? Certains vont plus loin et se réclament du carbonarisme, apporté par des nostalgiques de l’Empire, mais, attention ! le carbonarisme corse, vrai ou prétendu, est anti-royaliste, pas anti-français, il est même fortement coloré de bonapartisme.

 

L’empreinte napoléonienne va profondément changer la donne en Corse où le renversement d’image du Grand Homme transforme l’acceptation de l’annexion en une épopée où les Corses ont le sentiment d’avoir leur chance, et où la Corse a l’impression d’annexer la France, en profitant des voies d’émancipation offertes par le fonctionnariat ou l’Armée. Dans cette île qui est à mille lieues de la révolution industrielle et des tensions sociales que Paris connaît déjà, 1848 sonne plus comme le retour des exilés napoléonides[4] que comme un ralliement à la république. Les Corses ne seront pas déçus, le Second Empire se préoccupe plus nettement du développement économique de la Corse que le premier Empire, tout en y apportant une touche de « fête impériale » avec les visites de leurs majestés. A ce moment, l’île commence à se sentir reconnue, à se sentir française, nous avons décrit dans un précédent chapitre comment elle s’imagine « Empire » par procuration, « Empire corse en ses colonies ».

 

Sous la troisième république, la Corse se détache très progressivement du bonapartisme qui domine jusqu’en 1881, puis est définitivement hors jeu à compter de 1893 en se ralliant officiellement à la République. A l’orée du XXè siècle, la Droite, grâce aux ralliements, marginalise le radicalisme corse. L’origine sociale des élus évolue avec l’euthanasie des rentiers et des propriétaires fonciers qui laissent place à de nouvelles élites provenant de la fonction publique, de la magistrature ou du professorat. Sur le plan politique, l’espace est donc occupé par des forces résolument engagées dans la voie de l’assimilation. En marge de cette classe politique, se développent de multiples formes associatives républicaines comme la ligue de l’Enseignement, la ligue des Droits de l’Homme, les fédérations de jeunesse laïque et de la libre pensée, les comités ouvriers, etc. tandis que la franc-maçonnerie renaît, pour les deux tiers composée de militaires, de fonctionnaires et d’enseignants[5], le tout implanté dans un pays à forte tradition catholique. En bref, tout l’espace de l’expression publique est occupé par des forces qui concourent à l’assimilation, soit par la course aux honneurs et aux réseaux parisiens, soit par l’implantation de solidarités d’intérêts ou de classes imitant celles prévalant sur le Continent. Le cas de la franc-maçonnerie, s’il n’est pas nouveau en Corse (Paoli fut initié) est tout aussi symptomatique, car elle véhicule des idéaux d’universalisme et de solidarités entre tous les hommes en fort décalage avec les traditions d’appartenance clanique ou de quête identitaire.

 

C’est dans ce contexte que le thème de l’arrachement des Corses de leur terre, de leurs traditions et donc la défense même de leur être, va trouver des avocats dans le domaine culturel, le seul que les homines novi de la Troisième République consentent à laisser comme espace d’expression. Au fond, qu’est le XIXè siècle pour la Corse si ce n’est l’évidence d’un désert de la Nation corse, une Corse mise à nu dans sa vérité interne ?

 

 

Déracinement, francisation et émergence d’une identité

 

C’est un fait acquis, tout au long de ce siècle, la Corse poursuivit une longue tradition d’émigration, mais cette fois à grande échelle. A la veille de la première guerre mondiale (recensement de 1911), plus de 52000 Corses résident sur le Continent, soit le cinquième de l’île, chiffre qui doit être mis en regard des 45000 insulaires déjà absents de l’île au recensement de 1893. Le bilan démographique est malaisé, et si l’on ne peut raisonnablement établir un écart démontré avec les chiffres officiels jusqu’en 1890, les corrections que les historiens apportent aux chiffres ultérieurs, et ce jusqu’en 1981, montrent une profonde cassure qui va durer jusqu’en 1960, avant que la courbe démographique ne remonte sous l’effet de la disparition de l’empire colonial et de l’immigration étrangère en Corse[6]. Cette émigration est, en grande partie, le fruit des difficultés agricoles de la fin du siècle et de l’échec du décollage industriel ; mais pouvait-il vraiment y avoir décollage dans une économie sans véritables ressources exploitables à un coût concurrentiel et entravée par les conditions de transport interne à l’île plus encore que par les tarifs douaniers. Nous serions incomplet et partial en n’ajoutant pas l’attrait de la fonctionnarisation et de l’emploi public, car si nombreux furent les émigrants qui entrèrent dans ces carrières, bien moins nombreux furent ceux qui prirent des emplois industriels dans les villes du Continent.

 

Cette dépression démographique de soixante-dix années va peser lourd sur l’image que les Corses ont d’eux-mêmes, et ce différemment selon les périodes. Il faut néanmoins retenir que l’émigration vers le Continent s’accompagne souvent de pratiques associatives, les amicales[7], centrées autour du village dont on maintient les liens affectifs[8] et d’intérêts. L’émigration vide les villages en priorité, surtout celle qui transite par le Continent pour une destination réelle plus lointaine, vers les Colonies. Mais l’émigration a aussi un impact de brassage interne à l’île qui transforme le réseau urbain en dynamisant les pôles littoraux au détriment des bourgs de l’intérieur. Ces pôles littoraux, à l’avènement du Second Empire, commencent ainsi à se développer grâce à une population en transit (activité portuaire, administration, Armée).

 

En partant ailleurs, sur le Continent ou aux Colonies, ils perdent le contact avec la matrice langagière du village, même si les amicales ou la forte présence corse au sein de l’armée coloniale ont parfois joué un rôle de conservatoire identitaire. L’émigration interne vers les villes du littoral a le même effet d’arrachement, les enfants étant alors immergés dans un bain pédagogique privilégiant la maîtrise du Français, tout au long de la IIIè République. Enfin, par le service militaire et la carrière aux armées, et, s’agissant des Corses, n’ayons garde de l’oublier, par l’aventure coloniale, le bilinguisme français-italien cède la place au français, seule langue admise. La presse insulaire s’écrit en français, de même les élites politiques, si elles parlent corse avec leur clientèle, rédigent leurs discours et leurs mémoires en français.

 

Pour autant, au regard de la perte d’identité, les bénéfices que les fils des villages retirent de l’émigration ne sont pas reçus comme positifs par tous. Le thème ressassé en cette fin du XIXè siècle est celui du déclin de l’île qui, pourtant, ne connut jamais une position aussi brillante, ou mieux encore puisque mettant en scène l’Etat français, celui de l’abandon ou de l’île oubliée. Et ce thème n’est pas le fait d’indépendantistes avant l’heure mais est colporté par la presse bonapartiste, ainsi La République, journal bonapartiste (eh ! oui) qui évoque une Corse moins bien traitée qu’une colonie ! Ce thème de l’abandon et de l’irrespect des traditions régionales est partagé avec les mouvements anti-républicains du Continent. A ce stade, il s’agit plus de l’expression d’une mouvance réactionnaire véhiculée par la presse conservatrice et ce serait faire un contresens historique que d’y déceler un engagement nationaliste, progressiste voire anti-colonial.

 

C’est d’ailleurs sur les presses bonapartistes ajacciennes que naît le premier hebdomadaire corsiste, A Tramuntana fresca e sana, qui se définit comme couvrant un large spectre d’expression culturelle, mais aussi politique et satirique. Son fondateur, Pierre-Toussaint Casanova dit Santu Casanova (1850 – 1937), commet ses premiers écrits dès 1876 en italien, avant de s’intéresser de près à la défense du dialecte et à la culture corse. La démarche n’est pas isolée, elle ne naît pas dans un désert et dans l’indifférence, il suffit de rappeler l’important travail de recherche historique mené au sein de la Société des sciences historiques et naturelles de la Corse, fondée en 1881 par l’abbé Lucien-Auguste Letteron, qui, bien que Continental, n’introduisit aucun biais pro-français dans les études menées. Néanmoins, il manquait aux yeux de Santu Casanova une revue écrite en corse, uniquement par des Corses, et parlant de la misère corse et du danger de l’assimilation. Ainsi, il dénonce, dans sa revue la situation économique et sociale ainsi que la politique d’abandon de l’île. Le thème de la purification de l’air dans lequel évolue la société insulaire [9], qu’il ne faut pas confondre avec la thématique de la purification ethnique douce des attentats matériels et des bombages IFF perpétrés par le FLNC un siècle plus tard, est celui de la purification de la politique politicarde dont l’arénisme[10] est l’expression la plus achevée dans l’île. C’est le premier vrai départ pour un régionalisme corse, ce n’est pas, encore, l’irrédentisme. Et nous verrons plus loin que les nationalistes corses d’avant-guerre ne mûrirent nullement un projet indépendantiste, malgré la campagne menée à l’occasion de l’érection d’un monument commémoratif à Ponte Novo.

 

Pour l’heure, Casanova lutte contre la République, de la même façon que les anti-républicains du Continent[11] ; ses textes sont pétris de thèmes d’exclusion et de purification (antisémitisme, lutte contre la franc-maçonnerie, défense de la Corse chrétienne contre les manœuvres agnostiques, etc.). L’idéologie de Santu Casanova n’est pas seulement celle du régionalisme corse, elle s’inscrit naturellement dans ce mouvement de fond français de la droite révolutionnaire incarnée par Drumont comme le Muvrisme développera une idéologie de type maurassien quelques décennies plus tard. Mais cette feuille de chou ne serait qu’un rameau de boulangisme si elle n’avait que cette dimension. Si l’on commence traditionnellement par elle avant de parler du Muvrisme, c’est non seulement parce qu’elle en fut la matrice mais parce qu’elle voulut dès le premier numéro écrire le corse. C’est poser le postulat d’un être du Peuple qui n’existe que par la langue ; c’est une notion-type du XIXè siècle, on a vu qu’auparavant l’équation langue-peuple-royaume n’allait nullement de soi. L’exacerbation de cette identification à la langue allait d’ailleurs déboucher sur le principe des nationalités, véritable poudrière de l’Europe au siècle suivant. Mais dans cette petite île où l’on parle plusieurs langues (dialectes du nord, du centre, gallurais, génois), où chaque piève a son parler, où le corse est utilisé par la population ou par les élites lorsqu’elles s’adressent aux électeurs dans les tournées de village, écrire le corse est un défi, une tentative de construire enfin le peuple corse. Cette tentative pour faire émerger le corse comme langue (au XIXè siècle, et souvent encore aujourd’hui, le sens commun ne considère comme langue que l’écrite, le reste n’est que patois ou au mieux dialecte), s’oppose au rouleau compresseur du français, certes, mais aussi à l’italien qui fut, de tout temps, la langue des élites cultivées. Paradoxalement les corsistes d’alors furent les alliés inconscients de l’Etat dans l’éradication de la culture italienne en Corse. Encore aujourd’hui, nos nationalistes ne font pas autre chose en occultant du mieux qu’ils peuvent la toscanité du corse. Résultat, les Corses ne parlaient plus l’italien, peu le corse, mais, maîtrisant parfaitement le français, ont fini par devenir francophones.

 

La mise en avant de la langue comme ciment de l’identité se double chez Casanova de références historiques hostiles à Gênes (et donc à l’italianité), comme de prises de distance vis-à-vis de la France sur la base de la différence linguistique mais aussi ethnique, les Français étant classés dans l’échelle de la race latine (ce sont les termes de Santu Casanova) à une distance éloignée des Corses. Ce thème de la race est d’ailleurs tellement prégnant que notre pamphlétaire n’hésite pas à établir un parallèle avec la question juive, en pleine affaire Dreyfus, en essayant de hisser la question corse au même niveau par une emphase tactique [12] mais qui sera de peu d’effet. Nous avions déjà noté combien les corsistes ont gardé ce réflexe d’instrumentalisation de la question juive jusqu’à maintenant pour illustrer la qualité de solidarité et d’accueil des insulaires dans le cadre d’affaires criminelles. Mais alors, il s’agissait de conforter la persistance d’une attitude rétive à l’assimilation chez le Corse comme miroir de la question juive telle qu’elle était perçue à cette époque.

 

L’existence du peuple corse ainsi défini par sa langue et sa race[13] est perçue comme étant mise en danger par la conjugaison de plusieurs agressions : le centralisme jacobin, l’exode des Corses vers les Colonies ou le Continent (on parlera bientôt de racolage), la complicité des élus insulaires, la présence d’une forte communauté étrangère, en particulier italienne[14]. La solution française, c’est-à-dire le développement de l’emploi administratif en lieu et place du développement de l’île, n’est pas acceptée comme un moindre mal, et encore moins comme la seule solution viable, mais comme une solution qui s’accompagne obligatoirement de l’abandon de l’identité corse et ne peut qu’appauvrir l’île. A Tramuntanan’explique jamais pourquoi le fonctionnarisme appauvrirait l’île ni comment une économie insulaire serait viable, mais peu importe, le pli est pris, les corsistes ne s’arrêteront plus de se nourrir de mots, alors même que personne jusqu’alors n’avait véritablement exploré les conditions économiques nécessaires à l’indépendance de l’île. Même les auteurs italiens de l’immédiat après- guerre s’étonneront toujours de cette faconde illusionniste des nationalistes corses[15].

 

Dans l’île, les idées cheminent lentement, et Petru Rocca (1887-1966), à la veille du premier conflit mondial, reprend le flambeau. Dans son livre Les Corses devant l’anthropologie (1913), il développe, à son tour, des thèmes voisins autour de la langue et de la race corse, laquelle serait plus pure, moins métissée que la française ou que beaucoup d’autres. En 1914, tout s’arrête, les Corses se pressent à l’enrôlement. L’heure n’est plus à la revendication insulaire, l’heure est à la défense de la Patrie, de la Patrie française.

 

Le choc en retour du pacte de sang

 

Pour tous, la guerre de 14-18 fut, à la fois, une interruption et une remise en cause des perspectives. Les corsistes de la nouvelle génération sont très souvent des anciens combattants qui ont fait leur preuve sur le champ de bataille, qui sont décorés (Petru Rocca est chevalier de la Légion d’Honneur). Le marasme économique, la déprise agricole, le tournant de la fonctionnarisation qui semble irréversible provoque la résurgence des idées d’autonomie. D’autonomie, encore, car la rupture avec la France n’est pas encore à l’ordre du jour parmi ces héros de la Grande Guerre, qui ont l’impression que le pacte du sang versé n’est pas honoré comme il se devrait par une France devenue ingrate. Ce fameux pacte de sang dont on a vu qu’il repose sur le mythe du « sur-sacrifice » des Corses, satisfait pleinement un certain narcissisme insulaire qui s’attend à ce que l’Etat ait l’œil fixé en permanence sur l’île ; aussi lorsque le Corse, décoré, auréolé du prestige du héros, retrouve sa chaumine enfumée et l’étroitesse de son village, il pense être une dupe. Et quand Petru Rocca, installé sur le Continent, se retrouve, Français parmi d’autres Français, en butte à l’indifférence envers le sort de son île, il fonde en 1920, avec son frère, une revue culturelle, A Muvra, qui, comme A Tramuntana, vingt-quatre ans plus tôt, affiche des ambitions de défense des intérêts de l’île. C’est dit, ce ne sera pas une revue folklorique mais une revue de combat. Deux ans plus tard, en octobre 1922, Petru Rocca fonde le Partitu Corsu d’Azione qui, à partir d’une position culturelle corsiste, développe bientôt des thèmes indépendantistes centrés sur l’insistance portée à la Nation, au Peuple corse, et où 1769 (bataille de Ponte Novo) et plus encore les idéaux de 1789 sont considérés comme les fossoyeurs de la patrie corse, en développant à longueur de textes le mythe de la « Nation vaincue qui doit renaître ».

 

L’une des premières campagnes du Partitu s’est engagée dès sa première année d’existence dans la commémoration de Ponte Novo. Les événements qui se sont déroulés alors sont typiques de la bipolarisation absolue de l’opinion publique corse ; d’un côté, les « assimilationnistes » qui considèrent que l’entrée dans la nation française est acquise, d’un autre les partisans de l’autonomie ou de l’indépendantisme (à cette époque les frontières ne sont pas encore nettes, pas plus d’ailleurs que la question de l’italianité). Parmi les assimilationnistes, l’une des figures les plus marquantes au plan culturel et doctrinal est le professeur Ambroise Ambrosi, auteur de l’Histoire des Corses et de leur civilisation, dont les dissertations géologiques naïves pourraient faire sourire[16], mais qui flaire déjà le danger irrédentiste avant même ceux qui finiront par y tomber. Ses exagérations, y compris au plan historique où il s’échine à minorer au-delà de l’acceptable la période pisane, entraîne des réactions d’érudits comme Paul Graziani, ancien de l’Ecole des Chartes et élève de Sylvestre Bonnard, et qui fut l’un des piliers culturels du Partitu. Pour en revenir au monument commémoratif de Ponte Novo, un comité parisien recueillait des souscriptions pour ériger un monument célébrant l’entrée de la Corse dans le giron de la Nation française, avec l’appui en janvier 1923 du Conseil général de la Corse, dans le droit fil de la vision développée par Ambrosi et d’autres assimilationnistes. Le Parti de Petru Rocca lança une contre-souscription pour un monument dédié aux seuls combattants paolistes ; ils obtinrent gain de cause comme le savent ceux qui peuvent lire depuis 1925 sous la croix de ponte Novo : qui casconu u 9 maghju 1769 e milizie di Pasquale de Paoli luttendu per a libertà di a patria. Les corsistes du mouvement accentuent leur pression pour la réouverture de l’université de Corte (échec) mais, sur le plan électoral ils emportent un certain succès en faisant campagne pour l’abstention aux élections générales (40 % d’abstentionnistes). Pour finir, dès les premières années, le partitu fait des propositions qui veulent répondre au discours d’Alexandre Millerand de retour d’une tournée en Algérie en 1922[17], propositions qui relèvent, à ce moment, plus de l’autonomisme que de l’indépendantisme vrai. Ces propositions ne feraient plus scandale aujourd’hui, le lien avec la République devant être maintenu en la personne d’un Haut-Commissaire ; on y trouve des éléments du statut de la Corse actuelle ainsi qu’un Parlement corse dont les attributions, sans être précisément dessinées dans les premiers numéros d’A Muvra qui en traitent, semblent aller un peu au-delà de ce qu’envisageait le Référendum du 6 juillet 2003 dans le cadre de l’autonomie législative. Le Sindacatu[18], contrôle des deux pouvoirs, exécutif et législatif, venait compléter le dispositif, et ressemble aux Cours régionales des comptes, à ceci près qu’il devait contrôler les deux ordres, administratif et judiciaire, et était composé de membres élus, issus du Parlement ou directement élus par le Peuple.

 

L’idéologie des corsistes est nettement marquée par le souvenir de l’autonomie des provinces et s’oppose clairement au centralisme jacobin en développant un discours contre-révolutionnaire, où sont exaltés les thèmes de la race, de la Nation corse, de l’ordre, de l’autorité et bien sûr de la religion, sous-entendue catholique, considérée comme ciment de la société corse mais concurrencée par les nouvelles formes de sociabilité laïque gravitant autour du radicalisme. Le parti corse d’action, parti de notables et d’intellectuels et non d’activistes, à ses débuts, se veut apolitique et engagé dans une lutte d’influence (on l’a vu s’agissant de la campagne pour l’abstention) sur le système politique local. Cette stratégie trouve rapidement ses limites, le système politique insulaire étant, à droite comme à gauche, totalement pensé et dirigé dans un cadre de référence continental pour ce qui est de son approche partisane, et pratiqué selon une optique clientéliste dans le cadre de sa relation à l’électeur, lequel attend places, emplois, promotions, faveurs, et rien d’autre.

 Aussi, dès 1926 le discours se radicalise et le Partitu Corsu d’Azione devient le Partitu Corsu Autonomista, sans changement d’acronyme mais avec une sensible évolution du sens de la lettre A ; il ne s’agit plus d’agir au sens d’influer, mais d’aller vers l’autonomie. Malgré tout, les partisans de l’autonomie que sont les muvristes ne sont toujours pas encore engagés dans un processus de rupture avec la Nation française. Leur positionnement ressemble à ceux de nombreux mouvements régionalistes, breton ou basque, et, au lendemain de la première guerre mondiale, singulièrement à l’autonomisme alsacien. Si les références au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes sont nombreuses dans la publication du mouvement, les aspirations corses qui sont présentées sont celles de l’autonomie d’une région et de la défense de l’identité. C’est le jacobinisme et l’incompréhension de Paris qui poussera les muvristes dans leurs derniers retranchements, et ce sont les sirènes du fascisme et la seconde guerre mondiale qui, ici comme en Alsace, feront diverger les cheminements des compagnons d’alors.

 

Les sirènes de l’irrédentisme

 

Petru Rocca et ses amis passent de la revendication d’autonomie à une prise de position séparatiste de plus en plus affirmée jusqu’à l’appel officiel au séparatisme lancé la revue A Muvra en 1935. Cet appel, qui se veut une solution à la crise démographique et identitaire de la Corse, n’apporte pas de vraie solution économique ou sociale mais insiste sur le schéma institutionnel. L’important n’est pas de vivre riches et heureux mais de vivre ce qu’on peut vivre entre Corses, gouvernés par des Corses. Dans le même temps, l’indépendantisme affirmé se conjugue avec une attention de plus en plus marquée à ce qui se passe de l’autre côté de la Tyrrhénienne. La même année, Francesco Guerri [19] en charge de la promotion des poussées irrédentistes auprès du Duce promène le vieux Santu Casanova dans la botte italienne et le présente à Mussoloni. La visite est très remarquée en Corse et la revue A Muvra publie les déclarations faites par le vieux poète tout au long de sa tournée, déclarations, on s’en doute, peu amènes à l’égard de la France et de la République. Du côté italien, les énergies se mobilisent et après les publications de Guerri, suivent celle du professeur GioacchinoVolpe, de l’Université de Pise (Archivio storico di Corsica), au sein de laquelle quelques étudiants corses militent au sein des « gruppi di a cultura corsa ».

 Durant cette époque, le discours politique de l’autonomisme fut nettement influencé par l’irrédentiste fasciste au point de perdre toute pertinence au regard des notions de Nation corse, d’indépendance ou d’autonomie. Il s’est agi de choisir entre le corsisme originel et le rattachement à la Mère Patrie Italie. Certains s’en éloignèrent et non des moindres comme Paul Arrighi, Maestrale ou Pierre Dominique[20]. Mais, il  est notable que le discours muvriste ne fut pas seulement irrédentiste, il a également épousé la dérive du discours fasciste vis-à-vis des menées hitlériennes en Europe. Comme pour les fascistes italiens, la dimension racialiste du discours s’intensifie. Le journal colle à la politique allemande en Europe Centrale, et développe des arguments antisémites et xénophobes. En 1938, Petru Rocca est radié de la Légion d’Honneur et en 1939, le journal lui-même est interdit de parution. Dès lors ceux qui demeurent dans la mouvance irrédentiste vont devoir collaborer.

 Cela étant dit, il faut prendre conscience que la collaboration avec l’occupant qui reste exceptionnelle est plus le fait d’une dérive fascisante que proprement vichyste d’autant que, on l'a vu, Vichy est perçu comme un recours contre l’irrédentisme. Aussi, dès le vote des pleins pouvoirs au Maréchal Pétain, les députés insulaires ont presque unanimement manifesté leur soutien. La Droite traditionnelle du clan Pietri s’est ralliée avec un enthousiasme philo-germanique remarquable et d’autres militaient dès avant-guerre au PPF de Doriot, comme Simon-Pierre Sabiani qui se fit auxiliaire de la Gestapo sur le Continent. Au début de la guerre, la Corse est tétanisée, et laisse libre cours aux militants fascistes comme aux pétainistes convaincus, qui lancent des campagnes anti-sémites violentes. Les décrets anti-juifs de 1941 ne provoquent aucune réaction notable malgré la révocation de fonctionnaires d’origine juive, montrant une indifférence et une passivité comparable à celle prévalant sur le Continent. C’est fin 1942, que la Corse est occupée (mais bizarrement non officiellement annexée) par les Italiens[21]. Malgré le choc que cela représente dans l’île (l’irrédentisme n’a guère pénétré la population), la Résistance se forme peu à peu derrière les communistes puis les gaullistes mais, soyons net, c’est la venue en masse des soldats italiens qui précipite les choses en poussant les tièdes à la résistance et les collaborateurs notoires à l’attentisme.

 

L’héritage du muvrisme 

 

La compromission de certains muvristes avec l’occupant fasciste italien, et alors que la Corse veut faire oublier cet épisode en mettant l’accent sur les faits d’armes de la résistance et le titre de premier département de France à être libéré, de lui-même, dès 1943, fait disparaître le corsisme de la vie publique, culturelle ou politique, de l’île. Les comptes seront définitivement réglés en 1946, dans le cadre de l’épuration qui toucha l’île comme le reste de la France, mettant à mal le mythe de l’unanimité dans la résistance à l’occupant et au fascisme. Ainsi, en octobre 1946, les anciens étudiants corso-pisans sont condamnés à mort à Bastia, lesquels seront finalement graciés (l’Etat eut la main moins lourde qu’avec Karl Roos, séparatiste alsacien, fusillé avant guerre, en 1939). D’autres irrédentistes furent poursuivis tant au sein de l’Armée, en Algérie, que parmi les anciens muvristes, à commencer par Petru Rocca. Après cela, deux décennies vont s’écouler avant que le corsisme renaisse, mais il a, en réalité, moins à voir avec l’aventure de Rocca et ses frères qu’avec les nouvelles conditions historiques et économiques faites à l’île, dans les vingt années qui suivirent la rétraction de l’Impérium franco-corse.

 

Si l’aspiration à retrouver les racines est bien présente, le mouvement se développe dans un autre contexte, celui de la décolonisation et du bouleversement des structures économiques et sociales de notre époque. En outre, la filiation est délibérément écartée car insoutenable dans une île qui vit sur une réputation bien établie de résistance à l’occupant fasciste. Mieux, les nationalistes se présentent comme les nouveaux résistants, en endossant ainsi les habits des authentiques héros qui, parfois, se contraignirent à répondre en français lors des interrogatoires de l’OVRA, alors même que leurs tortionnaires les interrogeaient en corse. Enfin, de nos jours, l’assimilation de la présence française à une occupation coloniale voire fasciste cultive un négationnisme nauséabond dans la mesure où, par des comparaisons infondées, la nature des régimes en question est banalisée. Ainsi, au prix de contorsions historiques, les nationalistes d’aujourd’hui se présentent comme des héritiers des Corses résistants, le souvenir de Petru Rocca étant évoqué (lorsqu’il l’est) sous le seul angle culturel en minimisant la portée de l’engagement irrédentiste ; au point que certains, notamment sur les sites nationalistes de l’internet lorsqu’ils traitent la question du muvrisme, se laissent aller à traiter de « collabos » avec toutes les connotations que ce terme sous-entend, ceux des muvristes qui quittèrent le mouvement dès lors que celui-ci quitta le terrain corsiste au sens strict pour d’autres rivages tyrrhéniens[22].

 

Il n’empêche, des ressemblances troublantes demeurent. Tout d’abord, la société insulaire se transforme profondément avec la chute de l’Empire et la disparition des débouchés dans l’Armée, avec le retour des engagés dans l’île ce qui augmente la demande d’emploi, mais aussi avec l’explosion de la pression touristique, et la tendance affirmée et continuée à la désertification de l’intérieur, à l’exception de Corte, sauvée par son Université. L’île connaît ainsi une troisième transformation de ses structures économiques et sociales après celle de la fin du XIXè siècle et des années Vingt. L’angoisse, le manque de perspective, la sensation d’une perte de substance et de manque de visibilité de l’avenir de l’île sont des facteurs qui aujourd’hui comme hier favorisent le développement d’un discours de type « paradis perdu » ou de reconquête de l’identité. Plus inquiétante parce que reflétant un réflexe systématique qui n’a rien appris de l’Histoire, est la filiation avec la xénophobie et l’ethnicisme du discours corsiste de l’entre-deux-guerres, mais dont la légitimité, il est vrai, sort renforcée de l’exemple de l’Algérie dont l’indépendance a abouti au départ des Pieds-Noirs, et qui donc peut s’interpréter comme une purification ethnique réussie et acceptable. Après tout, les promoteurs du nationalisme corse des années Soixante-dix ont beaucoup appris du FLN algérien, ayant fait leurs armes dans les rangs de l’OAS et, dans les années Soixante, les derniers attentats OAS se distinguent mal des premiers attentats autonomistes. Les recettes algériennes (hors le terrorisme aveugle) sont copiées et le combat nationaliste est repeint aux couleurs du tiers-mondisme, aux couleurs des luttes de libération nationale, voire du socialisme pastoral.

 




[1] Une sorte de kanun, et il est vrai qu'on a pu parfois qualifier la Corse d’Albanie insulaire pour ses montagnes et ses mœurs.

[2] Voir dans un chapitre antérieur  ce que je montrait d’un échange inégal beaucoup plus reflet d’une inégalité de ressources que le résultat d’une exploitation coloniale ou l’effet de l’injustice purement réglementaire.

[3] Ainsi au Moyen-Age, le banditisme des Seigneurs brigands, plus tard pendant la révolte Corse les exactions combattues par Paoli ou bien encore un Ange-Marie Bonelli, dit Zampaglinu di Bucugnà qui rançonne depuis la Sardaigne, l’année de l’annexion.

[4] Ajaccienne, chanson écrite en 1850 par Jean François Costa (1813-1889), qui fut préfet et Conseiller référendaire à la Cour des Comptes mais aussi auteur de diverses pièces de poésie, en particulier il écrivit … « La Bataille de Ponte Novo », chant corse !

Premier couplet de l’Ajaccienne :
                Réveille-toi ville sacrée / Entends l'orgueil et ton amour

La Sainte Famille est rentrée / Les exilés sont de retour (bis)
Oh les voici, victoire! Victoire! / Qu'il soit fêté dans sa maison
L'enfant prodigue de la gloire (bis) / Napoléon, Napoléon (bis), etc.

[5] Les propriétaires et les membres des professions libérales ne représentent plus que 10 % des initiés (voir Atlas ethno-historique de la Corse)

[6] Voir à ce propos l’atlas ethno-historique de la Corse (p. 26) ; pour les évaluations officielles, réf. Economie corse n° 25 d’avril 1983 ; pour les évaluations des analystes voir les données bibliographiques et les aperçus méthodologiques donnés par l’atlas op. cit. dans son chapitre « sources et bibliographies par chapitre », p. 211.

[7] Citons rien qu’à Paris, les amicales du Fium’Orbo, de Balagne, des Niolins, des Capcorsins, des Cortenais et des Ajacciens.

[8] Les Corses de Paris, par exemple, envoient leurs enfants dans des colonies scolaires qui s’ouvrent dans l’île, les amicales se transforment parfois en agences matrimoniales entre Corses pour éviter les mariages mixtes.

[9] Cité par Jean-Paul Pellegrinetti in Cahiers de la Méditerranée, vol. 66, de A Tramuntana du 11 octobre 1896, BNF série Jo 11003

[10] Emmanuel Arène (1856 – 1908) né à Ajaccio, journaliste auprès de la presse nationale (dont le Figaro) et insulaire (la Corse Républicaine et le Journal de la Corse), écrivain, homme politique, est président du Conseil Général de la Corse à plusieurs reprises pendant deux décennies, de 1888 à sa mort, période pendant laquelle il multiplie les mandats, député de Sartène, député d’Ajaccio, Sénateur de 1904 à 1908. Il est l'archétype du Seigneur Républicain, à la nombreuse clientèle, régnant sans partage sur l’île.

[11] Notamment les collaborateurs de la Libre Parole, revue lancée par Drumont en 1892 qui révèlera le scandale du canal de Panama.

[12] « Actuellement, en France, il y a une question juive, une fois que cette question sera terminée, viendra la question corse » A Tramuntana du 30 octobre 1898, BNF série Jo 11003, cité in Jean-Paul Pellegrinetti, op. cit.

[13] Ça continue à gratter le cuir de certains. Les études anthropologiques sur la proximité génétique des Corses avec leurs voisins îliens (les Sardes) voire les Basques (tiens !) mais moindre avec les Toscans (Tiens, tiens !) et, a contrario, leur éloignement du patrimoine génétique français (quid des Alsaciens et des Bretons, des Rouergats et des Flamands ? sont-ils proches les uns des autres ?) attirent toujours (voir l’étude sur la structure génétique de la population corse, 2006, in. Revue Anthropo, revue électronique)

[14] Les fameux Lucchesi, travailleurs saisonniers, souvent originaires de Lucques, présents surtout dans les activités de la forêt, de la culture de la châtaigne et dans le transport ; le terme finit par être générique et désigner les Italiens (un équivalent de nos Ritals, en quelque sorte). Ceux-ci ne représentent pourtant que 4,5 % de la population, mais c’est tout de même la présence de plus de 12000 hommes, à comparer aux 5000 travailleurs saisonniers de milieu du siècle. Enfin, ces immigrés commencent à vouloir s’installer et non plus se contenter de séjourner en Corse pendant la saison d’exploitation forestière (octobre-avril).

[15] Giovanni Ansalto, Corsica, in l’hebdomadaire « la rivoluzione liberale », n° 8 année IV du 22 février 1925. Cet auteur ne s’était pas encore rallié au fascisme lorsqu’il écrivit cet article.

[16] Il prend prétexte de la parenté des roches cristallines de la Balagne et du Cap avec celles de l’Esterel, vestige d’une orogenèse commune, pour sortir la Corse de l’aire culturelle italique. Pour faire bonne mesure, les zoologistes sont convoqués pour témoigner de la plus grande affinité de la faune et de la flore corse avec celles des Pyrénées et l’Afrique du Nord qu’avec celles de Toscane !

[17] Extrait du discours de Millerand : « N'est-il pas évident que, du point de vue économique, il n'est ni rationnel ni logique d'appliquer imperturbablement le même règlement administratif à un département insulaire qu'à la Creuse ou à la Corrèze? Qu'y aurait-il de choquant de conférer à la Corse, dont personne à coup sûr ne songe à faire une colonie, une autonomie administrative aussi complète que possible »

[18] Repris du nom de  la commission de cinq censeurs élus en 1764 par la Consulte pour contrôler le Conseil d’Etat, pour garantir la bonne marche de la Justice et de l’administration

[19] L’individu n’est pas un inconnu, professeur à Livourne, dès 1928, il publiait un ouvrage très critique vis-à-vis des responsabilités de la France dans les crises insulaires « La Corsica vista da un vagabondo », dans lequel la France est décrite comme la seule responsable des crises vécues dans l'Ile.  et dans une revue confidentielle qu’il avait fondé en 1932, il multiplie les articles démontrant l’italianité de l’île, ce qui n’est une découverte pour personne, mais surtout la nécessité de son retour dans le giron transalpin.

[20] Paul ARRIGHI,  (1895-1975),  co-fondateur de l’Annu Corsu, qui prône bientôt un régionalisme corsiste au sein de l’ensemble français. Dominique Antoine VERSINI dit MAESTRALE: (1872-1950), fondateur de l'Accademia Corsa en 1921. Membre du Partitu Corsu d'Azione de Petru Rocca en 1922. LUCCHINI Pierre Dominique, dit Pierre Dominique: (1889-1973) Médecin. Journaliste politique de centre gauche rallié à Vichy puis au Gaullisme, résistant.

[21] Mussolini préfère renvoyer les annexions à la négociation des conditions de paix après guerre pour éviter d’humilier Vichy et de précipiter la France dans les bras gaulliste. C’est du moins le sens de ses entretiens avec le général Vacca Maggiolini  du 5 septembre 1941. Cet attentisme concerne toutes les terres irrédentes. Voir référence au PV Duce / Maggiolini, cité en note in article de Paul Isoard, Cahiers de la Méditerranée, n° 62, sur le 11 novembre 1942 l’événement dans les Alpes Maritimes.

[22] Ainsi une personnalité comme Maestrale qui refusa de répondre aux sirènes de l’Italie fasciste doit-il être compté au rang des collabos de la France, selon certains !

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C’est une histoire de mythes et d’identité : la question corse qui fait souvent l’actualité
a tordu la mémoire des faits. Le tout grâce à la
réécriture de l’Histoire de l’île et à la mythologisation de la langue


Allons plus loin déshabillons le paon pour découvrir le poulet qui est dessous. La Corse fut-elle le phare des Lumières ? Y-a-t-il eu une Corse vraiment indépendante et que voulaient les Corses sous Paoli ?


La Corse s’est ralliée. A-t-elle combattu ? La Corse eut-elle un comportement si différent des autres provinces de la République française ? Le ralliement fut-il facile ? A-t-elle cru se découvrir un destin ?


La petite île a-t-elle voulu donner des gages ? S'est-elle imaginé un Empire par
procuration ? Lors de l'occup', fut-elle exemplaire ? A-t-elle des leçons à donner ?

Une fois l’Empire colonial effondré, que devient la petite île ? Veut-elle s’en retourner à son passé glorieux mais confisqué et veut-elle enfler ses mythes pour les vendre à l'encan ?


Les mythes se portent bien, ils se sont même diffusés partout. Faut-il en rester là et faire du chantage à la Dette ? Ou bien, au contraire, est-il possible que l'île envisage de sortir du mythe et arrive à affronter la réalité du monde moderne ?


Pour approfondir un peu...

Mystères de la démographie

Combien de corsophones ?

Cartographie des révoltes

La taxation des échanges

La question des pertes de la guerre de 14-18

Un sort différent fait aux Corses pendant la Der des Der ?

La question foncière

Quelques sources

La convention de Philadelphie | quelques données sur les îles | la question sarde | le tableau des expatriations nettes | la constitution de 1735 | alphabétisation des conscrits 1878 | mobilisables 1911/-1921 |

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